Dans un pays où l’accès à la santé est difficile pour une grande partie des quartiers pauvres, la pandémie de coronavirus peut avoir de lourdes conséquences. Au lieu de prendre des décisions afin d’endiguer la crise sanitaire, le président du pays crie aux « fake news » ou à la « petite grippe » ce qui ne convainc pas le peuple brésilien.
Photo : La Tribune de Genève
Le 15 mars dernier, devant le Palácio do Planalto (lieu de travail du gouvernement), le président brésilien s’est offert un bain de foule, ignorant ainsi les recommandations de l’OMS pour lutter contre la pandémie du coronavirus. Cet événement, loin d’être isolé, illustre bien le comportement de Jair Bolsonaro face à l’urgence sanitaire. « Ne pas tout arrêter pour une petite grippe ». C’est ainsi que Bolsonaro se justifiera après avoir posté les vidéos de nombreuses manifestations en faveur du gouvernement qui ont récemment eu lieu dans plusieurs grandes villes brésiliennes. Le président, qui avait dans un premier temps déconseillé ces regroupements, les a ensuite encouragés, montrant ainsi une certaine maladresse.
Maladresse que l’on retrouve dans ses discours. Le président ne semble pas écouter les experts de santé et ne prend pas de position en faveur du confinement. Il reste fidèle à lui-même, vociférant un discours confus qui peine à convaincre jusqu’à ses anciens alliés qui se désolidarisent de lui. Le président s’est adressé au peuple le 24 mars dernier en se positionnant contre « l’hystérie » du coronavirus et a tenté de faire des comparaisons entre la crise au Japon et la crise en Italie, deux pays aux cultures très différentes qui ne permettent pas de tels rapprochements.
Face à ces facteurs, le peuple brésilien se retrouve seul face à l’épidémie. Aujourd’hui (28 mars), il y a officiellement 3 417 cas confirmés et déjà 92 morts. Le pays est au début de cette crise et certaines villes ont instauré le confinement depuis mardi dernier. Le président, quant à lui, s’obstine et lance une campagne officielle dénommée « O Brasil não pode para » (le Brésil ne peut pas s’arrêter). Il défend l’idée que les conséquences d’un confinement seront bien supérieures à celles d’une épidémie.
Bolsonaro acabou (Bolsonaro est fini), c’est le titre d’un article publié par la Folha de São Paulo le 23 mars. Le président est jugé irresponsable face à la crise du coronavirus. Crise qui joue le rôle d’un catalyseur du malaise social qui ne fait que grandir depuis l’arrivée du chef de l’État en janvier 2019. Nous avons là une énième crise politique d’un gouvernement désormais fort solitaire. Le PSOL, parti d’opposition du gouvernement au Brésil, a profité de la situation pour lancer un processus d’impeachment (destitution). Bolsonaro tombera-t-il ? La réponse dans les prochains jours selon Thiago Amparo, journaliste pour La Folha.
Au-delà de l’aspect politique, la crise sanitaire révèle aussi que de nouveau, ce sont les plus pauvres qui vont être le plus impactés, ne possédant parfois même pas d’eau pour se laver les mains chez eux. La phrase « romantiser la quarantaine est un privilège de classe » prend tout son sens dans le contexte brésilien, l’un des plus inégaux de la planète.
Face aux enjeux que soulève une telle crise au Brésil et à l’inaction du gouvernement, l’opinion publique se mobilise. Pendant que nous applaudissons notre personnel soignant tous les soirs à 20 heures, au Brésil, c’est pour crier Fora Bolsonaro (Bolsonaro dehors !) en tapant sur des casseroles que l’on se donne rendez-vous au balcon.
Étienne FAIVRE