Juan Guaidó était interdit de sortie du territoire vénézuélien par le gouvernement du président Maduro. Bravant cet interdit, après une tournée de 23 jours en Europe, au Canada, aux États-Unis et en Colombie, le président intérimaire auto-proclamé du Venezuela, reconnu par une partie de la « communauté internationale », est de retour à Caracas, le mardi 11 février. Que retenir de cette séquence internationale pour le peuple vénézuélien ?
Photo : Il Post
L’opposant au régime de Maduro a rencontré plusieurs dirigeants en Europe, au Royaume -Uni, au Canada, aux Etats-Unis, en Colombie et au Forum de Davos. Partout, Juan Guaidó a dénoncé le régime de Maduro dans les termes suivants : dictature, protecteur du terrorisme, conglomérat de criminels, régime écocide et ethnocide en Amazonie vénézuélienne… »¡Guaidó, fascista! » ont hurlé à l’aéroport international de Maiquetia les partisans de Maduro et le personnel de la compagnie aérienne nationale Conviasa. L’arrivée tumultueuse de l’opposant était aussi attendue par une foule composite de journalistes, de députés de l’opposition, de sympathisants et de diplomates. Ce sont là des scènes ordinaires de la vie « politique » vénézuélienne : elles ont lieu aux portes du Parlement, sur les places publiques, aux frontières du pays. Malgré l’agitation, le bruit, les invectives et la brutalité, tout semble indiquer que rien ne changera dans les semaines à venir sur la scène politique intérieure.
Hors du Venezuela, la presse a surtout montré les rencontres avec D. Trump et la présidente de la chambre des Représentants, la démocrate Nancy Pelosi. Promesse a été faite « d’écraser la tyrannie de Maduro », rare point d’accord entre Républicains et Démocrates qui ont acclamé debout le président vénézuélien intérimaire, présent en tribune lors du discours de Trump sur l’état de l’Union.
Juan Guaidó n’a pas été arrêté à son arrivée à Maiquetía. Il n’est « rien » et on ne fera rien contre un rien : telle a été la posture officielle, et la presse nationale est restée silencieuse au sujet de cette tournée internationale de l’opposant Guaidó. Le gouvernement de Maduro avait auparavant été averti par Washington : « une action contre l’opposant aurait des conséquences ». Ce même 11 février, Maduro envoyait un message d’amitié au peuple iranien et au président Rohani pour célébrer le 41ème anniversaire du triomphe de la Révolution islamique en Iran.
« Écraser la tyrannie » ?
En fait, cette tournée internationale a permis de confirmer que l’hypothèse de la force était exclue. M. Falcón, gouverneur de l’État de Lara et partisan de Guaidó a fait état de ce que la majorité des dirigeants internationaux rencontrés prônait une sortie négociée de la crise vénézuélienne, à travers des élections et un nouveau Conseil National Electoral (CNE). L’option d’une intervention militaire étrangère est définitivement éliminée. Evo Morales, l’ex-président bolivien en exil en Argentine, l’a confirmé dans un entretien au journal Le Monde : Maduro « a vaincu l’interventionnisme, le coup d’État, et il est en train de vaincre les sanctions, le blocus économique ». La Chine, dans une rhétorique convenue, rappelle que pour le Venezuela (comme pour la Palestine), il faut exclure l’intervention militaire et privilégier le dialogue entre toutes les parties, dans le respect du droit international.
Pour la Russie, les intérêts économiques au Venezuela paraissent aussi déterminants que les postures diplomatiques : elle vend des armes, achète le pétrole vénézuélien à bas prix et entrerait bientôt dans les offres d’exploitation de champs pétroliers, ce qui permettrait l’ouverture de l’économie envisagée par le régime chaviste pour relancer la production de pétrole, aujourd’hui au plus bas, et stopper la chute continue de l’économie dont le PIB a été divisé par deux depuis 2013. La privatisation de la compagnie vénézuélienne PDVSA (Petróleos De Venezuela SA) serait-elle aussi envisagée ?
Le style “Guerre froide” ne doit donc pas faire écran aux intérêts en jeu pour les deux parties de la « communauté internationale » divisées sur la question vénézuélienne. Du reste, les compagnies pétrolières russes ne sont pas seules à profiter des exceptions aux sanctions américaines. Les grandes compagnies américaines telles que Chevron et Reliance de India continuent d’acheter le pétrole vénézuélien.
Ce même 11 février, les données officielles actent la dollarisation de fait de l’économie vénézuélienne. L’inflation à six chiffres et l’émigration estimée à 5 millions de personnes continuent de laminer et de désespérer l’immense majorité des Vénézuéliens.
Maurice NAHORY