Jean Sellier, géographe et historien, nous propose une somme de 711 pages, offrant à notre curiosité des voyages dans l’espace et le temps à travers des langues et leur histoire étendue sur des millénaires. L’entreprise est audacieuse et la lecture passionnante. Dans l’avant-propos, les dilemmes et les limites de cette entreprise sont exposés à partir du constat selon lequel « l’histoire des langues est peu racontée ». On a affaire à une étude où la linguistique est sollicitée mais où l’histoire reste l’essentiel.
Photo : La Découverte
Aujourd’hui, on compte 6 000 langues. Toutes ne sont pas documentées ou le sont peu, comme les langues papoues, par exemple. L’ouvrage concerne donc l’histoire de langues et de leurs transformations et se propose « d’informer, d’éclairer et de guider ». L’étendue de l’étude reste considérable et l’érudition admirable. Par exemple, si l’on se pose des questions au sujet des langues en Afrique du Nord, hier et aujourd’hui, on peut retrouver suffisamment de données et d’informations pour éliminer les erreurs et approximations et acquérir de nouvelles lumières. Berbères ? On découvre qui sont les Berbères dont le lointain passé reste obscur, le nombre de berbérophones, les langues et parlers berbères, leur distribution géographique au Maroc et en Algérie mais aussi en Libye, en Égypte et dans les pays sahéliens à la suite de l’introduction du dromadaire au 1er siècle avant J.C.
On peut aussi avoir un éclairage sur les politiques menées aujourd’hui dans les deux pays principaux d’Afrique du Nord. Si les autorités françaises trouvaient un appui auprès des notables berbères au temps du Protectorat au Maroc, le roi Hassan II en fit de même par la suite. Depuis 2003, la langue amazighe est enseignée, elle est promue langue officielle en 2011 et enseignée en primaire et jusqu’à l’université. Une chaîne de télévision publique émet dans cette langue depuis 2010. Quant à l’écriture du berbère moderne on découvre les choix distincts faits par l’Algérie et le Maroc.
Dans ce vaste univers des langues et de leur géographie le lecteur est orienté par une table des matières détaillée (15 pages), un index des notions, un index des noms de personnes, une table des cartes et illustrations et une bibliographie sélective. Ces tables d’orientation rendent aisée la circulation dans la masse impressionnante d’informations toujours clairement énoncées.
Auteur de nombreux Atlas des peuples du monde entier, Jean Sellier nous montrent leurs migrations et celles des langues. Cette étude va à l’essentiel. Sans jamais simplifier, un trésor est mis à notre disposition.
Maurice NAHORY
Jean SELLIER, Une histoire des langues et des peuples qui les parlent, Paris, Editions La Découverte, 2019 600 p., 32€