Papel Literario, journal culturel du Venezuela, se diffuse de plus en plus à travers les réseaux sociaux. Nombre de lecteurs, dont ceux en exil, y ont accès et le mettent en circulation malgré les entraves auxquelles le journal a fait face pour sa libre publication en papier.
Photo : Lisablackmore
Miguel Henrique Otero, président du journal vénézuélien El Nacional, et Nelson Rivera, directeur de la section culturelle du journal, envoient chaque dimanche depuis le 3 mars 2019 le PDF du Papel Literario à environ cinq mille abonnés. Par la suite, les personnes qui travaillent dans le journal l’envoient à 19 500 autres lecteurs, élargissant ainsi le nombre de ceux-ci partout dans le monde. Il est ainsi difficile d’estimer combien de Vénézuéliens lisent ces pages numériques qui existaient autrefois en papier.
La publication régulière a ainsi survécu à l’exil, de même que la section culturelle. Celle-ci est la plus vieille d’Amérique latine et a fêté ses 75 ans d’existence l’année dernière. «Il y a eu un potentiel extraordinaire du journal, les lecteurs sont devenus des agents actifs de la distribution» s’exclame Rivera via Whatsapp depuis San Pedro de Nós, village de 5 000 habitants dans la province espagnole de la Corogne. «J’étais en Espagne lorsque, le 2 septembre 2015, Diosdado Cabello m’a accusé dans son programme ‘Con el mazo dando’ d’être impliqué dans une conspiration avec Miguel Henrique Otero.» «Au bout de quelques jours, un groupe de la Direction Générale de Contre-espionnage Militaire s’est trompé de maison et a fait irruption dans une autre, pensant que c’était la mienne.» Conséquence : Rivera ne peut rentrer à Caracas.
Cabello avait entamé des poursuites judiciaires financières et pénales cinq mois auparavant contre l’entreprise éditoriale et ses directives. Cela s’est passé après une publication de El Nacional des journaux The Wall Street Journal et ABC qui parlaient d’une possible implication du dirigeant des partisans d‘Hugo Chavez dans le trafic de drogue. Depuis cela, le harcèlement ne décolère pas, et a provoqué la disparition de la version papier le 14 décembre 2018. Cependant, le journal continue son activité et se focalise maintenant sur l’édition numérique. En effet, ils sont devenus l’un des médias latino-américains les plus lus du réseau. « Le nombre de lecteurs ne cesse pas d’augmenter depuis 2015 grâce à l’émigration vénézuélienne » (laquelle compte déjà 4 millions de personnes d’après les chiffres récents d’ACNUR).
Miami et Bogotá sont les villes les plus prisées par les Vénézuéliens en termes d’exil politique et économique ; cependant, l’Espagne reste le pays avec les principaux milieux culturels. Ainsi, on peut trouver à Madrid Artemis Nader et David Malavé, qui s’occupent de la nouvelle maison d’édition Kalathos Éditorial. Otero, l’essayiste Marina Gasparini Lagrange, essayiste ; la peintre Emilia Azcárate, l’actrice Ana María Simón, ou encore la journaliste culturelle Karina Sainz Borog, y habitent également. À Málaga, c’est Rodrigo Blanco Calderón, qui a gagné le Prix Bienal de novela Mario Vargas Llosa avec son roman The Night, une découverte méta-littéraire et politique sur les coupures d’électricité à Caracas en 2010.
«Je trouve qu’il y a divers lieux de création pour la littérature et le Venezuela en fait partie avec des écrivains tels qu’Igor Barreto, Ednodio Quintero, Willy McKey ou Victoria de Stefano qui travaillent dur» explique Rivera. En outre, López Ortega a élargi le volume Rasgos comunes. Antología de la poesía venezolana del siglo XX, qui est devenu un symbole de la résistance vénézuélienne. «Cette coïncidence du livre avec la crise au Venezuela a créé un symbolisme spécial pour l’édition, qui n’était pas prévu, car dans une époque aussi obscure et terrible que celle que l’on vit, le livre devient un outil de compensation, au moins sur le plan symbolique» affirme Ortega.
Ce sont notamment les lecteurs qui habitent à New-York, Miami, Bogotá, Caracas, Buenos Aires, Paris ou dans les villes espagnoles qui achètent, offrent et défendent le livre. Ils le promeuvent autant en papier qu’en numérique puisqu’il est devenu une lueur d’espoir pour les gens, conclut Ortega. Sans conteste, Papel Literario existe toujours et rassemble toutes les semaines le travail de poètes et personalités littéraires latino-américains.
Andrea RICO