Pour la troisième année consécutive, l’ONG CARE publie un rapport recensant les dix crises humanitaires les moins relayées par les médias. Parmi ce triste classement, on note cette année que le changement climatique joue un rôle croissant et aggrave les crises humanitaires comme à Madagascar, en Éthiopie et à Haïti. CARE appelle les médias, les décideurs politiques et le public à se mobiliser pour ces crises humanitaires négligées.
Photo : El nuevo Herald
En 2018, c’est la crise alimentaire de Haïti qui a le moins retenu l’attention des médias avec à peine 500 mentions dans plus d’un million d’articles analysés. Pourtant Haïti connaît l’un des niveaux les plus élevés d’insécurité alimentaire chronique au monde : plus de la moitié de sa population est constamment menacée par la faim et 22% des enfants souffrent de malnutrition chronique ! Pour partager ce triste podium on retrouve l’Éthiopie (présente deux fois dans ce classement) et Madagascar, qui souffrent également de la faim, dont l’une des principales causes est le changement climatique. Parmi les autres pays en crise qui figurent dans ce rapport, notons la République démocratique du Congo, les Philippines, le Tchad, le Niger, la République centrafricaine et le Soudan.
«Si personne n’en a parlé, est-ce que cela s’est vraiment passé ? À l’ère des médias sociaux et des informations 24/24, c’est une question qui se pose. Pourtant, les catastrophes naturelles et les crises humanitaires ont affecté plus de 132 millions de personnes dans le monde en 2018, que nous en ayons entendu parler ou non. Il ne faut pas les oublier et les médias ont le pouvoir d’inciter le public et la classe politique à agir !» alerte Philippe Lévêque, directeur de CARE France.
À Haïti, il n’y a pas de pétrole ni d’autres ressources naturelles, cela explique probablement le grand silence des grands pays du monde. On vient en aide aux pays ou régions où l’on peut récupérer quelque chose en échange. Le juge espagnol Baltazar Garzón a dit que la situation migratoire de Haïti vers la République Dominicaine et aussi vers d’autres pays d’Amérique du Sud est le résultat de l’abandon dont souffre Haïti de la part de la communauté internationale. Récemment, des dizaines de milliers d’Haïtiens se sont installés au Chili et au Brésil.
Ainsi les transferts d’argent venant de la diaspora haïtienne demeurent une importante source de devises pour le pays, puisqu’ils représentent 30 % du produit intérieur brut et deux fois la valeur des exportations. Pour les transferts d’argent vers l’extérieur, un prélèvement de 1,5 dollar américain est fait selon un arrêté présidentiel pour appuyer le programme de scolarité. En 2017, ces transferts provenaient principalement des États-Unis, du Canada, de la France ainsi que du Chili dont les transferts représentaient selon la Banque centrale chilienne 92 millions de dollars américains, soit 12,65 % des transferts en provenance de cet État sud-américain.
En février dernier le président de Haïti, Jovenel Moise, avait décrété l’état d’urgence économique, en quelque sorte la faillite de l’État avec le but de réduire les dépenses de fonctionnement en s’appuyant sur le décret de loi du 7 avril 2017. L’état d’urgence économique en Haïti détermine la réduction des dépenses de l’État, la suspension des exceptions fiscales et douanières pendant toute l’année 2019 afin de pouvoir financer les produits de première nécessité pour les foyers haïtiens et soutenir les actions sociales.
Ces jours -ci, le gouvernement a décidé de suspendre cette mesure et ce, jusqu’en septembre 2019. En effet, Haïti, l’un des pays les plus pauvres du monde est confronté à une crise majeure à cause de la dévaluation de sa monnaie la gourde par rapport au dollar et une inflation galopante.
Dans un pays où 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté avec 2 dollars par jour et 24 % sous l’extrême pauvreté (1, 2 dollars par jour) les prix des produits de base ont doublement augmenté. Par exemple, un sac de riz coûte 18 dollars et une boite de haricots environ 7 dollars. Un rapport récent de l’Agence américaine sur le développement international affirme que plus de la moitié du pays souffre de malnutrition.
Nombreux analystes s’accordent à dire que le président Jovenel Moise n’a pas su répondre aux attentes de la population qui l’avait élu et aujourd’hui se voit confronté au mécontentement populaire qui a débuté avec les émeutes de février 2017 ayant provoqué la mort de 26 personnes.
«La crise ne date pas de 2019. Il s’agit de quatre décennies de mauvaise gestion, de mauvais choix économiques, d’instabilité politique, de corruption, mais ces deux dernières années ont été particulièrement difficiles», a expliqué au journal chilien La Tercera, Etzer Émile, économiste de l’université de Quisqueya, à Port au Prince. Mais, le constat de cette crise endémique haïtienne, justifie-t-elle le silence des médias et l’abandon de la communauté internationale ?
Olga BARRY