«Venezuela : un autre regard», une exposition photo au cœur d’Avignon

L’exposition sera ouverte à la visite du 7 au 20 juin à l’espace de la Manutention à Avignon. L’association Matices, promouvant la diffusion des arts d’Amérique du Sud, a fait le choix de réunir les œuvres de trois photographes : Jordi Contreras, Juan Carlos Mendialdua et Christophe Dornier.

Photo : Jordi Contreras

À travers leurs trois objectifs, c’est un autre regard sur le Venezuela que posent les trois hommes, alternatif à celui que véhiculent les médias actuels alors que le Venezuela traverse une profonde crise politique, économique et sociale. En faisant le choix de s’attacher à l’identité vénézuélienne, à ses habitants, ses paysages et sa culture, cette exposition invite les spectateurs français à (re-)découvrir et également à rencontrer les photographes à l’occasion du vernissage de l’exposition prévu le 7 juin à 18h. Afin de présenter au mieux ce projet, nous nous sommes adressés à la présidente de Matices, Mme Tania Jiménez, et nous vous dévoilons ci-dessous des extraits de cet entretien.

Pourriez-vous nous expliquer en quelques mots en quoi consiste le fil de l’exposition, cet «autre regard» sur le Venezuela ?

Pour la plupart des vénézuéliens, les images que nous voulons montrer sont «connues», elles font partie d’un patrimoine et d’une histoire communs. On s’attache à ces racines, à ce trésor, à cette beauté pour garder des forces en cette période difficile. Mais le public que nous cherchons à toucher davantage est plutôt celui qui ne connaît que très peu ce pays si riche et contrasté, si ce n’est pour les images des manifestations, des queues sans fin pour chercher à se nourrir, ou de la débandade pour échapper à la crise générale. En tant qu’enseignante, j’ai constaté que mes jeunes élèves me posaient depuis deux ans –et pour la première fois– des questions sur mon pays car ils avaient été effrayés par les images diffusées dans les JT français, bien réelles. […]

Quels liens entretiennent chacun des photographes avec le Venezuela ?

Deux des photographes sont eux aussi vénézuéliens et ils ont dû prendre à contrecœur la voie de l’exil tout récemment. Ils vivent en Espagne depuis à peine un an et ont dû tout laisser chez eux : maison, travail, carrière, famille. D’âges et de profils très différents (une richesse, croyons nous, pour l’exposition), tous les deux sont passionnés de photographie, et même s’ils la pratiquent d’une façon qu’ils considèrent «amateure», leurs clichés sont d’une grande qualité et ont été tous les deux primés au Venezuela et en Espagne. Jordi Contreras, avec plus de 70 ans, ingénieur, s’est vu dans l’obligation de fermer son entreprise à Caracas et a tout perdu, recommençant à zéro en Europe l’année dernière. Tout comme Juan Carlos Mendialdua, 45 ans, biologiste et jusqu’à l’année dernière professeur à l’université de Porlamar (île de Margarita), leurs vies au Venezuela étaient devenues de la survie, et ce malgré leurs nombreux diplômes et capacités. Ils illustrent parfaitement cette vague d’émigration phénoménale qui s’est accrue depuis trois ans et qui touche tous les milieux et tous les âges : des départs déchirants, puisque la plupart de ces personnes, qui ont déjà tout construit là-bas, ne projetaient pas de quitter un jour leur terre et leurs proches.

Christophe Dornier est un photographe français qui a séjourné au Venezuela il y a plus de dix ans, mais qui a gardé un souvenir très vif et positif. […] Même si son parcours est très différent des deux autres, nous avons trouvé des échos intéressants entre leurs photographies, où la nature et les gens croisés par hasard étaient devenus les protagonistes.

En quoi leurs regards sur ce pays entrent-ils en résonance ?

Leurs histoires personnelles et leurs photographies ont beaucoup de choses en commun, une sensibilité forte et un détachement complet par rapport à un objectif plus publicitaire ou une carrière de photographe professionnel qui doit répondre à des commandes précises. Les thématiques que nous avons choisies de privilégier se retrouvent dans leurs photos. Tout d’abord le paysage, extrêmement varié au Venezuela, entre les côtes très différentes, des cordillères contrastées, les plaines («llanos») tropicales, l’Amazonie, et tant d’autres lieux merveilleux. Puis les portraits, qui permettent d’avoir un regard plus «humaniste» et intime de nos compatriotes, tout en montrant la grande richesse d’un des pays les plus métissé au monde. Enfin, fruit de ce métissage, le volet culturel montre quelques fragments des traditions, très ancrées au Venezuela, bien plus que du folklore.

Laëtitia BOUSSARD

Informations pratiques : exposition «Venezuela : un autre regard»
Salle de la Manutention, Avignon, entrée libre.
En savoir plus sur l’exposition et l’association