Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a été arrêté ce jeudi 11 avril à l’ambassade d’Équateur à Londres où il se réfugie depuis 2012. La justice britannique l’a déclaré coupable d’avoir violé les conditions de sa liberté provisoire. Il se voit aussi confronté à une demande d’extradition des États-Unis.
Photo : Victoria Jones
Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a été arrêté le jeudi 11 avril à Londres par Scotland Yard, concluant brusquement les sept ans de refuge dans l’ambassade équatorienne de Grande-Bretagne. Des vidéos ont révélé comment Scotland Yard sortait un Assange de longue barbe blanche de l’ambassade.
Le gouvernement équatorien a suspendu la citoyenneté octroyée à Assange en 2017 et lui a révoqué l’asile, permettant aux policiers britanniques de pénétrer dans l’ambassade. À travers son compte Twitter, l’actuel président de l’Équateur Lenín Moreno a annoncé : «L’Équateur a décidé souverainement de retirer l’asile diplomatique à Julian Assange pour avoir violé à plusieurs reprises des conventions internationales et le protocole de cohabitation.»
L’expulsion de Julian Assange de l’ambassade d’Équateur est à la fois une histoire de perte de confiance entre les deux comme le reflet d’un tournant politique du pays andin. Le gouvernement de l’ancien président a interdit à Assange de s’immiscer dans des affaires de politique extérieure, condition qu’il n’a pas respectée. De plus, il y a eu une diffusion de photos, vidéos et conversations privées de l’actuel président équatorien par WikiLeaks. Quelques jours après, la plateforme de diffusion de documents confidentiels a donné des pistes qui indiquaient que le président Moreno allait bientôt retirer la protection diplomatique donnée par son prédécesseur Rafael Correaet qu’un accord entre le Royaume-Uni et l’Équateur autorisant l’arrestation d’Assange était en cours.
«La patience de l’Équateur est arrivée à sa limite», a déclaré Moreno, soulignant les activités irrégulières d’Assange et défendant la retraite d’asile comme décision souveraine. La Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques précise qu’une intervention des forces de l’ordre du pays hôte est possible «avec le consentement du chef de la mission», soit ce qui s’est passé ce jeudi. Le 11 avril, l’Équateur a laissé les policiers britanniques accéder à l’ambassade.
Malgré les fortes déclarations du président contre Assange, le dirigeant a garanti avoir fait un compromis avec le Royaume-Uni pour que celui-ci ne puisse pas être extradé dans un pays où il pourrait faire face à la peine de mort.
Le service de police métropolitain de Londres a indiqué qu’Assange était détenu «dans un commissariat du centre de Londres où il restera, avant d’être mené au tribunal de Westminster Magistrates’ Court dès que possible». Il a été arrêté par la police de Londres par un mandat délivré en juin 2012 par la justice britannique pour non-présentation au tribunal, mais aussi en vertu d’une demande d’extradition américaine pour «piratage informatique» en collaboration avec Chelsea Manning. Avoir arrêté Assange ouvre une nouvelle porte pour les investigations concernant l’interférence de l a Russie dans les élections présidentielles américaines de 2016, affaire où ce dernier s’est vu involucré.
L’arrestation de Julian Assange a déclenché de fortes réactions de différents acteurs. Le Rapporteur spécial sur la torture des Nations unies, Nils Melzer, s’était dit alarmé par les informations selon lesquelles une arrestation était imminente et que, s’il était extradé, M. Assange pourrait être exposé à «un risque réel de graves violations de ses droits de l’homme, notamment sa liberté d’expression, son droit à un procès équitable et l’interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». L’ancien président équatorien, Rafael Correa, est aussi intervenu dans l’affaire et a utilisé son compte Twitter pour exprimer son mécontentement : «Cela met la vie d’Assange en danger et humilie l’Équateur. Jour de deuil mondial.»
Les événements de jeudi dernier et les possibles conséquences que pourrait affronter Julian Assange ouvrent un débat sur ce que cette affaire symbolise pour la liberté de la presse. Si Assange est voulu par le gouvernement des États-Unis, c’est à cause de son implication dans la divulgation de documents confidentiels du pays. Est-ce que son arrêt voudrait dire une limitation des méfaits gouvernementaux que les médias peuvent dévoiler ?
Barry Pollack, un des avocats d’Assange, se dit préoccupé pour l’avenir des journalistes. Il accuse les États-Unis de faire «un effort sans précédent pour extrader un journaliste accusé de publier des informations véridiques. Les journalistes autour du monde devraient être profondément troublés par ces charges».
Assange aura le droit de contester dans les tribunaux britanniques la sollicitude d’extradition des États-Unis. L’extradition d’Assange par les États-Unis est un long et dur procès qui pourrait durer plus d’un an.
Monica GIORDANELLI