Le jeudi 7 mars dernier, une panne énergétique nationale a secoué le Venezuela. L’incident est survenu vers 17 heures et a affecté 18 des 24 États vénézuéliens, dont Caracas, la capitale. Pendant plus de 50 heures, la majorité des villes n’avait pas d’énergie. Le Venezuela s’est trouvé dans la pénombre totale ces derniers jours. Nicolás Maduro et Juan Guaidó s’accusent mutuellement.
Photo : Cronio
Maduro n’a pas hésité à qualifier cet incident de «sabotage» et à culpabiliser Juan Guaidó ainsi que les États-Unis, parlant de cet acte comme de «terrorisme». Au Venezuela, les coupures électriques sont fréquentes, mais généralement ne durent que quelques heures et ne sont pas à cette échelle. Le ministre de l’Énergie électrique depuis 2015, Luis Motta Domínguez (ancien général de l’armée) et président de la corporation électrique nationale (CORPOELEC, 2007) a parlé cette fois-ci de «guerre électrique». Mais à dire vrai, le manque de maintenance des équipements de production ainsi que de distribution est à l’origine du problème. D’après Aixa López, représentante du comité des affectés par les coupures électriques, entre janvier et décembre 2018, plus de 30 000 failles sont survenues dans le pays.
En effet, le Venezuela dépend à 70% d’un seul barrage hydraulique situé dans l’État Bolivar, nommé le barrage Guri-Simon Bolivar. Il s’agit du quatrième barrage le plus puissant au monde avec 10 200 MW. Il est difficile à l’heure actuelle d’obtenir des données (fiables) concernant la production d’énergie électrique de ce barrage, mais selon Leonardo Vera, professeur de l’université centrale du Venezuela (UCV), seulement onze des vingt turbines installées sont aujourd’hui en fonctionnement.
En 2009, l’ex-président Hugo Chávez avait promis que pour l’année 2011, le Venezuela aurait le système électrique le plus performant du continent. Pourtant, en 2018, la député Nora Bracho, membre de la commission de gestion et des services de l’assemblée nationale, a expliqué que les fonds d’investissement nécessaires au développement et à la modernisation du système électrique du pays s’élevaient à 40 milliards de dollars. Pourtant, les gouvernements de Chávez puis de Maduro ont investi plus de 100 milliards de dollars dans le projet.
Pendant plus de 50 heures, la majorité des villes n’avait pas d’énergie. Le Venezuela s’est trouvé dans la pénombre totale ces derniers jours. À cette heure, plusieurs villes n’ont pas encore d’énergie électrique (comme dans l’État Zulia ou Amazonas), ou ne bénéficient que d’un service partiel (notamment à Caracas).
Des manifestations ont eu lieu le samedi 9 mars, ainsi que le mardi 12 mars 2019. Le but était de réclamer au gouvernement Maduro de pallier la crise énergétique. Plusieurs faits irréguliers se sont reportés dans les villes vénézuéliennes, dont des pillages de commerces (Zulia et district capital), et certains marchés facturaient leurs marchandises en dollars (acte illégal). Les services de base (eau et gaz) ainsi que le service de téléphonie et internet ont été impactés de ce fait. Les habitants les plus démunis de Caracas ont dû prélever de l’eau dans la rivière contaminée qui traverse la capitale (Guaire) pour satisfaire leurs besoins.
Le dimanche soir, le député de l’Assemblée nationale, Juan Manuel Olivares (Primero Justicia) a établi un bilan de 21 personnes mortes à cause de la panne nationale du service électrique, notamment des personnes qui étaient hospitalisées (dont 6 nouveau-nés).
En raison de ces faits, le président Maduro a déclaré jours de non-travail du vendredi 8 mars au mercredi 13 mars 2019. Quant à Guaidó et au parlement, ils ont décrété un état d’alerte nationale. D’après le président par intérim, le dernier weekend a entraîné des dégâts qui s’élèvent à 400 millions de dollars (endommagement des plans énergétiques, magasins pillés). Il a soumis un décret qui a été approuvé par l’Assemblée nationale, qui consiste à : mobiliser les forces de l’ordre pour protéger les installations de CORPOELEC, solliciter de l’aide à des experts internationaux, ordonner au personnel public de coopérer avec le secteur privé, proposer des plans d’économie de combustible et l’arrêt immédiat de l’approvisionnement de pétrole et de ses dérivés à Cuba. Le décret durera 30 jours et pourra être prolongé de 30 jours.
Entre temps, une équipe de cinq personnes (dont on ne connaît pas les noms) envoyée par la Haute Commissionnée des droits de l’homme, Michelle Bachelet, est arrivée ce week-end à Caracas. L’équipe échangera avec des membres du gouvernement Maduro, de Guaidó, des organisations de la société civile ainsi qu’avec des victimes de violation de leurs droits fondamentaux. L’objectif majeur de cette visite est d’évaluer la situation sociale mais aussi de planifier une éventuelle visite (accès sans entrave) de Mme Bachelet au Venezuela.
Gilberto Andrés OLIVARES
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