Paula Porroni, née à Buenos Aires en 1977 et ayant acquis une solide formation universitaire à Buenos Aires, Cambridge et New-York, a publié ce premier roman en 2016 à Barcelone (dans une maison d’édition dont le siège se trouve… sur l’Avenue República Argentina, cela ne s’invente pas !) ; un premier roman qui a immédiatement été remarqué et que les éditions Noir sur Blanc nous offrent dans sa version française.
Photo : éd. Noir sur Blanc/Paniko
La narratrice est une de ces étudiantes brillantes qui ont du mal à sortir du système universitaire qui leur assure un confortable cocon. Elle ne sait pas clairement vers où va se diriger le cours de sa vie : encore un an ou deux sur les bancs d’une université ? Laquelle ? Trouver un emploi ? Lequel ? Ce dont elle est sûre, c’est qu’elle est revenue s’installer en Grande-Bretagne pour fuir à nouveau son pays, l’Argentine, sa ville, Buenos Aires, et surtout sa mère avec laquelle elle ne peut tout de même s’empêcher de communiquer sans arrêt par messagerie. Son colocataire grec est au moins aussi paumé qu’elle, accumulant les refus des entreprises qu’il vient de solliciter.
Elle ne parvient pas à se fixer, le souhaiterait-elle ? Alors elle vivote. Mais dans vivoter il y a vivre, c’est tout le paradoxe de ce qu’elle décrit. Rien de ce qui l’entoure ne lui plaît vraiment, et pourtant elle accepte le tout en vrac : sa logeuse avare, son sort, sa dépendance envers sa mère et celle, plus indirecte, car il est mort depuis quelques années, envers son père, ses étranges relations qu’il est difficile d’appeler amitié avec Thomas et Anna, un couple de son âge qui vit à Londres.
C’est bizarre et familier, profondément pessimiste avec des trouées d’espoir : elle doute et elle y croit, elle est attirée par le gouffre et par le sommet, alors où est sa place ? L’automutilation est-elle une aide pour s’élever ou pour finir de tomber ?
En réalité, elle essaie un peu tout, frôle l’anorexie tout en buvant des litres de bière et en étant incapable de se passer de somnifères. Est-ce un rôle qu’elle s’obligerait à jouer pour elle-même et pour les autres ? Cette insatisfaction générale, au fond, n’est pas pour lui déplaire, c’est sa façon d’exister, d’être.
Tout est très dépouillé dans ce récit. Rien d’inutile, les phrases sont brèves. Paula Porroni ne glisse que l’essentiel pour troubler le lecteur et le rapprocher de ce que peut vivre la jeune fille, de ce qu’elle peut ressentir face à un futur qui lui fait probablement peur, mais elle ne se l’avouera jamais. Notre jeune romancière, elle, maîtrise parfaitement ce qu’elle souhaite faire partager, et on peut sans risque l’associer pour ses qualités d’écriture à Liliana Colanzi, Mariana Enríquez, Guadalupe Nettel, Lina Meruane, cette génération émergente de jeunes femmes pessimistes et très talentueuses.
Christian ROINAT
Bonne élève de Paula Porroni, traduit de l’espagnol (Argentine) par Marianne Million, éd. Noir sur Blanc, 144 p., 15 €. Paula Porroni en espagnol : Buena alumna, ed. Minúscula, Barcelone.
Paula Porroni est née à Buenos Aires en 1977. Après des études universitaires de lettres dans la capitale argentine, elle a suivi un master en études latino-américaines à l’université de Cambridge puis en écriture créative à New York. Elle vit actuellement à Londres. Bonne élève est son premier roman, remarqué par la critique dès sa parution. Elle est aussi l’auteure de nouvelles publiées dans diverses revues.