Au Brésil, le nouveau président Jair Bolsonaro vient déjà d’annoncer le transfert de la responsabilité de la démarcation des terres indigènes au ministère de l’Agriculture, très favorable à l’agrobusiness. Cette décision alerte les communautés indigènes et les défenseurs de l’environnement. Mgr Roque Paloshi, archevêque de Porto Velho, et président du Cimi, l’organisme de l’Église catholique mandaté pour travailler avec les Amérindiens, explique pourquoi.
Photo : CCFD-Terre Solidaire
Le Cimi est l’organisme mandaté par l’Église catholique brésilienne pour accompagner les peuples amérindiens dans leur lutte pour la survie, la protection de leurs terres et la dignité. Il mobilise des équipes formées à l’anthropologie et aux langues des nombreuses ethnies existantes pour des actions dans les communautés indigènes. Il agit aussi au sein de l’Église, auprès des organes de l’État et dans la société brésilienne pour les sensibiliser et défendre les droits des Amérindiens. Nous collaborons depuis longtemps avec le Cimi et le soutenons depuis 2015.»
Que signifie la décision de Jair Bolsonaro de confier la démarcation des terres indigènes au ministère de l’Agriculture ?
Cette décision confirme nos craintes concernant le nouveau président et son gouvernement : ils veulent livrer les terres indigènes aux monocultures, à l’exploitation minière et à de grands projets de construction civile. Nous voulons garder cependant une certaine tranquillité. Car cette question de la démarcation des terres indigènes relève de la Constitution du 5 octobre 1988, et plus particulièrement des articles 231 et 232 reconnaissant les droits de ces peuples natifs, leurs cultures, leurs traditions et leur spiritualité. Or, lors de son investiture, le nouveau président a juré qu’il allait respecter la Constitution de 1988.»
Vous attendez-vous à une réaction des peuples indigènes du Brésil ?
Je pense que les peuples indigènes vont se mobiliser pour demander à ce que le nouveau président revienne sur cette décision. La gestion de la démarcation des terres a toujours été confiée à la Fondation nationale de l’Indien (Funai), rattachée au ministère de la Justice. Mais tout cela est malheureusement dans la continuité de ce qui se passe depuis plusieurs années déjà. La Funai a été en effet progressivement démantelée et les procédures d’attributions de terres aux peuples indigènes rendues toujours plus complexes.
En quoi l’attribution des terres indigènes au ministre de l’Agriculture constitue-t-elle un danger pour l’environnement ?
Tereza Cristina, la nouvelle ministre de l’Agriculture, était jusqu’à présent la présidente de la «Bancada Ruralista». Ce puissant groupe parlementaire représente les intérêts des grands propriétaires terriens et de l’agrobusiness. Pour eux, la logique économique est basée sur une exploitation maximale des ressources naturelles. En tant que chrétien, je veux croire au respect du droit des indigènes à vivre sur leurs terres. Il en va aussi de la protection de l’environnement. Car tout le monde, y compris le nouveau gouvernement, admet que les terres les mieux préservées sont celles où vivent les populations indigènes.
Quel peut et doit être le rôle du Cimi et de la société civile brésilienne pour éviter aux peuples indigènes un scénario catastrophe ?
D’abord, nous devons nous tenir aux côtés de ces populations qui souffrent de préjugés et de discriminations de la part d’une grande partie de la population brésilienne. Il faut ensuite en finir avec plus de cinq siècles de non-respect des droits de ceux qui sont pourtant les premiers habitant de ce pays. Les indiens du Brésil ont déjà massivement disparu et continuent de disparaître ! La société civile et l’Église catholique doivent marcher ensemble sur le chemin de la paix. Nous devons bien sûr rester très vigilants dans les semaines et les mois à venir sur la manière dont ce gouvernement va gérer la question indigène.
D’après le CCFD-Terre Solidaire
Propos recueillis par Jean-Claude GEREZ