Voilà le nouveau roman de Marc Fernandez, troisième et dernier volet de sa saga hispano-américaine, commencée avec Mala vida sur les enfants volés du franquisme, et poursuivie avec Guérilla Social Club sur les fantômes des dictatures chilienne et argentine. Cette fois, l’auteur nous entraîne dans un tourbillon de péripéties et de suspense entre Madrid et Buenos-Aires, entre un meurtre de photographe de presse en 1997 côté argentin, et un autre meurtre en 2017, à Madrid cette fois, avec le même mode opératoire qui ressemble à une exécution en bonne et due forme.
Photo : Editions Préludes
Le roman s’ouvre sur un rassemblement du souvenir à Buenos-Aires, les gens commémorent ce 20 janvier 2017 l’assassinat vingt ans plus tôt d’Alex Rodrigo, photographe de presse retrouvé une balle dans la nuque. En parallèle, ce même jour, on retrouve à Madrid le cadavre d’une femme tuée elle aussi par une balle dans la nuque. Assez vite, on apprend son identité et on est obligé de faire le lien entre ces deux affaires.
Aussitôt l’enquête commence et les protagonistes du roman se lancent dans la bataille pour établir à tout prix la vérité. Dans le camp madrilène, il y a Diego, journaliste radio, Ana détective privée, Pablo policier de la criminelle, et leur vieux complice, Nicolas retraité des services secrets ; côté argentin, on trouve Léa, journaliste free-lance et Isabel avocate auprès des Grands-mères de la place de Mai. Chacun possède un caractère bien trempé, a su se remettre d’épreuves douloureuses et se bat avec conviction et courage. De profonds liens d’amitié les unissent tels des Mousquetaires des temps modernes. Ils ne reculeront devant aucun danger et devront vaincre leur peur pour aller jusqu’au bout de l’énigme.
L’auteur qui nous promène par chapitres interposés tantôt dans l’été suffoquant de Buenos-Aires, tantôt dans l’hiver glacial de Madrid, connaît bien les deux villes. Il décrit ainsi certains quartiers devenus très branchés et leur transformation due aux promoteurs et à l’argent. Il montre aussi cette société argentine actuelle, oscillant entre vrai désir de démocratie et blessures dues à la corruption ambiante, dans un contexte politique ultra-libéral et la plupart de ses médias soumis au pouvoir.
Il n’épargne pas non plus les journalistes espagnols qui ont perdu comme les politiques la réalité de la rue. Voilà comment d’un simple polar, le roman gagne en profondeur et apprend une multitude de choses sur le passé et le présent des deux pays à un lecteur français parfois peu aux faits de la réalité étrangère.
En résumé nous avons entre les mains une bonne intrigue à relents politiques, servie par un style nerveux et incisif qui rend la lecture facile. L’auteur domine entièrement la montée de la tension et l’accélération des événements des deux côtés de l’Atlantique, avec des morts qui s’enchaînent, de la violence, un enlèvement, le lecteur se trouve enchaîné chapitre après chapitre par le récit captivant, tandis que l’auteur sait aussi réserver des moments de détente, de pure amitié ou d’amour entre ses héros et relâcher la pression pour eux et pour nous.
Il nous conduit ainsi jusqu’à la résolution de l’énigme, dans un monde devenu un peu plus juste, mais à quel prix !
Louise LAURENT
Bandidos de Marc Fernandez, France, éd. Préludes, 320 p., 15,90 euros. Autres œuvres : Mala vida éd. Préludes, Guérilla Social Club éd. Préludes. Marc Fernandez sera présent à Saint Etienne, à la librairie de Paris, 6 rue Michel Rondet, les 22 et 23 novembre à partir de 18 heures, pour l’événement Gueules noires du Polar.