Le pape François exclut de l’Église le prêtre chilien Fernando Karadima accusé d’abus sexuels

Fernando Karadima, un ancien prêtre chilien charismatique, avait été condamné une première fois par l’Église en 2011 à une vie de «prière et de pénitence» après s’être rendu coupable d’abus de mineurs. En démettant de l’état clérical Karadima, le pape lui inflige la peine maximale et tente de rectifier le tir après le voyage catastrophique du souverain pontife au Chili au début de l’année 2018.

Photo : Rome report

Le Vatican a annoncé vendredi dernier la «décision exceptionnelle en conscience et pour le bien de l’Église» de démettre de l’état clérical le prêtre chilien Fernando Karadima, une des figures les plus emblématiques du clergé chilien, connu pour ses liens étroits avec les élites politiques et économiques du pays dans les années 1980. Aujourd’hui âgé de 88 ans, il avait été jugé une première fois en 2011 par la justice chilienne pour des actes de pédophilie dans les années 1980 et 1990 avec un classement sans suite pour prescription des faits. L’énorme impact des témoignages de quatre victimes à la télévision en 2010 avait conduit la justice religieuse à condamner Karadima à se retirer pour «une vie de prière et de pénitence» à l’issue d’une procédure canonique au Vatican.

Vendredi dernier, le pape François a alourdi la peine à son niveau maximal, en dispensant «El Santo» de toutes ses obligations ecclésiales. Pourquoi cette décision tardive, sept ans après que l’Église du Chili a demandé pardon pour toutes les agressions sexuelles d’enfants commises par les membres du clergé ? Cette affaire est revenue sur le devant de la scène en 2015 lorsque le pape a décidé de nommer Mgr Juan Barros, évêque d’Osorno, alors qu’il était soupçonné d’avoir couvert les agissements de Fernando Karadima. Lors de sa visite au Chili en début d’année 2018, le pape argentin avait pris la défense de Mgr Barros, réclamant des preuves de son implication. Cette prise de position a suscité l’indignation et le voyage papal a vite tourné au désastre, Barros apparaissant comme le symbole de l’impunité et de l’omerta qui règne dans les rangs du clergé en ce qui concerne les scandales de pédophilie.

Revenu à Rome fin avril, le pape retourne finalement sa soutane. Il s’entretient avec trois victimes de Fernando Karadima puis convoque mi-mai la trentaine d’évêques du Chili pour trois jours de réflexion, à l’issue desquels ils ont tous remis leur démission. Le pape a depuis accepté sept de ces démissions, dont celle de Mgr Barros. L’étau se resserre donc autour de l’Église catholique chilienne en pleine tourmente. Le scandale a pris de l’ampleur cette année avec 119 enquêtes en cours pour agressions sexuelles présumées visant le clergé catholique.

D’une manière plus globale, la «tolérance zéro» promise par le pape François en 2013 lors de son intronisation est encore loin d’être d’actualité, malgré quelques avancées dans la reconnaissance des victimes. La crise semble loin d’être achevée, comme en témoignent les scandales récents non seulement au Chili, mais aussi en Allemagne et en Pennsylvanie.

Gabriel VALLEJO