Martín Solares, né en 1970, a publié jusqu’à présent trois romans seulement, mais a consacré sa vie à la littérature dans ses activités d’enseignant, de critique et d’éditeur. Connaisseur sensible, il apporte dans ses écrits et ses interventions orales une distance non dépourvue d’humour. Il en fera bientôt profiter ses auditeurs, puisqu’il est l’invité en octobre de notre festival Belles Latinas.
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Dans Comment dessiner un roman, Martín Solares écrit et, comme le dit le titre, dessine, ce qu’est pour lui un roman. On peut prendre ce livre comme une leçon d’écriture, c’en est une, mais surtout comme une leçon de lecture. Le lecteur que nous sommes, assis, le livre entre les mains, a l’impression de sentir sur son épaule une main amicale ou fraternelle et, derrière lui, une ombre bienveillante qui lui glisse des conseils pour l’aider à mieux approcher du cœur de ce vice impuni dont se régalait Valery Larbaud, lire !
Sous les multiples exemples pris dans les œuvres d’auteurs américains ou européens pour la plupart se cachent des questions qui ressembleraient à «Tu as remarqué ceci ou cela ? Que peut-on ressentir si les premiers mots du roman sont : … ?».
Il existe un mot qui m’a personnellement toujours paru épouvantable lorsqu’il est appliqué à la création littéraire : la technique de l’écrivain. Je n’ai pourtant jamais trouvé de mot précis pour évoquer la façon de faire du créateur. Martín Solares ne parle que de cela, en faisant abstraction de tout ce que cela pourrait présenter de barbare. Tout est naturel sous sa plume : certains écrivent vite (et bien), d’autres pourraient ressembler à des tâcherons, peu importe si l’œuvre ainsi créée est bonne.
Autre richesse de cette étude, les multiples pistes données par des Umberto Eco, Gérard Genette ou Maurice Blanchot, qui ne donnent qu’une envie : les lire ou les relire. Pourtant, on ne pourra reprocher à Martín Solares aucune pointe de pédanterie, aucune supériorité qu’il nous imposerait : lui et nous sont ce qu’on pourrait appeler des «gens normaux, ordinaires», vous ou moi. Il reste jusqu’au bout le grand frère qui en sait tout de même un peu plus que nous mais qui ne cherche qu’à partager.
Par l’exemple de la longue et ardue rédaction de Pedro Paramo, le mythique roman de Juan Rulfo, il nous fait pénétrer au cœur des mystères réputés insondables de la création, nous montre comment à partir de presque rien on peut faire naître un chef d’œuvre.
On ne regrette qu’une chose, en lisant Comment dessiner un roman, c’est de ne pas avoir Martín Solares à proximité, on aimerait tant pouvoir réagir face à lui à certaines affirmations, lui poser quelques questions (les inévitables romanciers qui nous semblent indispensables et qui ne sont pas cités !), lui reprocher certaines prises de position, lui signaler nos sourires admiratifs en étudiant ses croquis-définitions de romans connus, lui faire part de notre adhésion globale !
Christian ROINAT
Comment dessiner un roman de Martín Solares, traduit de l’espagnol (Mexique) par Christilla Vasserot, éd. Christian Bourgois, 160 p., 15 €.
Martín Solares en espagnol : Cómo dibujar una novela, Era / Los minutos negros / No manden flores, Random House.
Martín Solares en français : Les minutes noires / N’envoyez pas de fleurs, éd. Christian Bourgois.