Le mercredi 25 juillet avait lieu la sixième marche pour le droit à l’avortement libre, gratuit et sûr au Chili. Plusieurs collectifs revendiquent ce droit après avoir obtenu, l’an dernier, le droit à l’avortement dans trois cas de figure : en cas de viol, de fœtus non-viable ou de danger pour la mère.
Photo : La Tercera
De Copiapo, une petite ville du nord, à Santiago, la capitale, et dans une vingtaine d’autres villes ont donc eu lieu des rassemblements et des manifestations de militantes et militants abordant le foulard vert, symbole de la revendication. La marche a rassemblé 50 000 personnes à Santiago selon les organisatrices, (8 000 selon les forces de l’ordre), 7 000 à Valparaiso, ville où se situe le Parlement.
Sur le modèle de leurs «hermanas» argentines, les militantes comptent bien se faire entendre, un an après la décision du Tribunal constitutionnel. Elles considèrent que la dynamique joue en leur faveur : les Argentines ont remporté une victoire politique importante le 14 juin lorsque les députés ont voté en faveur de la dépénalisation totale de l’IVG et les dernières élections au Chili ont fait rentrer une nouvelle formation de gauche au Parlement.
On estime qu’au Chili, 120 000 à 150 000 interruptions volontaires de grossesse sont pratiquées chaque année. Mais en un an, seules 309 femmes ont pu bénéficier d’une prise en charge au sein d’un établissement de santé.
La raison ? Tout d’abord les strictes conditions dans lesquelles une IVG peut avoir lieu et qui excluent de nombreuses femmes. Ensuite, la possibilité pour les établissements de santé de recourir à «l’objection de conscience institutionnelle». À la différence d’une objection de conscience personnelle, la direction et les propriétaires d’établissements privés peuvent interdire à tout le personnel soignant de pratiquer l’IVG. Cela pose un vrai problème d’accès, en particulier pour les régions isolées où il est courant qu’il n’y ait qu’un seul établissement accessible. En effet, le secteur privé est extrêmement présent dans le milieu médical et une partie des cliniques sont aux mains de groupes religieux qui refusent de pratiquer l’IVG, quel qu’en soit le motif.
Pour Francesca, du collectif «Pan y Rosas», l’objectif de la Marche du 25 août est avant tout d’inciter la sphère politique à s’emparer de la question. D’après elle, l’Argentine a « montré l’exemple et ouvert le débat pour toute l’Amérique latine » et elle espère que le Frente Amplio, parti de gauche que l’on peut comparer à Podemos en Espagne, va tenir sa promesse de campagne en menant ce thème devant le Congrès. Le Frente Amplio, qui compte 20 députés sur 155, était présent lors de la Marche pour l’avortement, aux côtés de nombreux collectifs tels que Izquierda Libertaria ou le Parti communiste.
Toutefois, les marches du 25 juillet ont connu quelques accrocs. À Santiago, trois femmes ont été poignardées en marge de la manifestation mais leurs jours ne sont pas en danger. Par ailleurs, une contre-manifestation organisée par le groupuscule néo-nazi «Mouvement social patriote» a dressé des barricades pour empêcher la manifestation de se tenir. Ce groupuscule a également déployé une banderole appelant à la «stérilisation» des manifestantes et déversé du sang et des viscères animaux dans une rue que devait emprunter la manifestation. Preuve que la question de l’avortement divise encore profondément la société et que la lutte féministe ne fait que commencer.
Enfin, ce mardi 21 août, des députés féministes du Frente Amplio ont déposé un projet de loi autorisant l’avortement libre. Le même jour, la droite a déposé un amendement constitutionnel qui vise à inscrire le «droit à la vie dès la conception». Les foulards verts et les foulards bleus étaient tous deux présents aux conférences de presse dans un hall du parlement et se sont défiés de la voix. Heureusement, cela n’a pas déraper en violence physique.
Matthieu LIMOUZIN
Ces revendications en faveur d’un avortement légal, sûr et gratuit commencent à se répandre dans toute l’Amérique latine, avec notamment des points de fortes tensions en Argentine et au Brésil. Nous reviendrons sur ce sujet dans les prochaines newsletters.