Lula sortira-t-il de prison ? La tragicomédie brésilienne continue sur fond de rivalité entre juges

L’ancien président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, en prison depuis le mois d’avril, condamné à 12 ans pour corruption passive et blanchiment d’argent par le juge Sérgio Moro en charge de l’opération «Lava Jato», vaste opération anti-corruption menée depuis 2014, a été tout proche de retrouver la liberté le dimanche 8 juillet. Retour sur les multiples rebondissements autour de cette libération avortée.

Photo : El Siglo Durango

Ce dimanche agité mérite une explication simplifiée pour comprendre les allers et retours de la liberté de Lula. Rogério Favreto, le juge de seconde instance, en permanence, ordonne que Lula soit libéré le jour même. Cette décision a été motivée par la demande d’habeas corpus (le droit de ne pas être emprisonné sans jugement) présentée par les députés du Parti des Travailleurs, le parti de Lula.

En revanche, le juge de «l’opération Lava Jato», Sérgio Moro, qui était en vacances, envoie un communiqué à l’organisme où Lula est arrêté pour dire que le juge de seconde instance n’avait aucune autorité pour ordonner la remise en liberté de l’ancien président.

En réponse, Favreto ordonne à nouveau dans un deuxième communiqué la libération de Lula avec un délai d’une heure. Ce deuxième communiqué est justifié par l’existence de certaines inégalités dans la détermination de la prison de Lula. D’après Favreto, la condamnation de Lula manquait de raisonnement.

C’est alors le chef adjoint João Pedro Gebran Neto qui réfute l’ordre de Favreto et envoie un nouvel ordre pour que la décision de Favreto ne soit pas prise en compte. Une fois encore et le même jour, Favreto ordonne dans un troisième communiqué la libération de Lula.

Ce troisième ordre a gagné l’attention du président de la Cour fédérale qui, en réponse à celui-ci, a décidé de maintenir Lula en prison. Sa décision a été justifiée par le fait que le juge Favrelo n’a pas l’autorité pour décider de répondre à la demande d’habeas corpus. Comme point final à ce feuilleton, la Cour supérieure de justice a été saisie afin de juger les demandes de liberté de l’ex-président, ce qui n’a pas encore été fait.

Lula est un candidat majeur pour la prochaine élection présidentielle qui se tiendra en octobre 2018. Néanmoins, pour devenir un candidat officiel, il a jusqu’au 15 août pour présenter sa candidature, chose impossible à faire depuis la prison. La lenteur de la justice pour juger de l’habeas corpus témoigne de la guerre idéologique et politique menée entre les juges brésiliens afin de libérer ou de maintenir Lula en prison.

Lula a été condamné à 12 ans de prison pour «corruption passive» et «blanchiment d’argent» par le juge Sérgio Moro, en charge de l’opération Lava Jato, vaste opération anti-corruption menée depuis 2014. Il est accusé d’avoir bénéficié d’un luxueux appartement par l’intermédiaire d’une entreprise de BTP. D’un coté, l’accusation n’a jamais réussi à prouver que l’appartement appartenait effectivement à Lula. Il n’existe aucun document qui prouve que la propriété appartenait à l’ex-président, il n’y a jamais habité, pas plus qu’aucun membre de sa famille. L’unique raison pour qu’il soit accusé est la déclaration d’un délateur qui est impliqué dans de multiples affaires de corruption.

Pour ajouter à la complexité du cas, l’amitié des juges avec des politiciens des partis opposés à ceux de Lula et le manque d’enquêtes et de procès à l’encontre de ces mêmes politiciens nous fait nous demander si l’emprisonnement de Lula ne serait pas qu’une stratégie pour l’empêcher de participer aux prochaines élections, plutôt qu’un désir de justice.

De l’autre côté, Favreto a été affilié au parti de Lula pendant 20 ans avant de devenir magistrat. En plus de sa sympathie envers Lula, le fait qu’il ait attendu que le rapporteur du dossier Lula soit en week-end et que le responsable de l’opération anticorruption «Lava Jato» soit en vacances renforce le manque d’impartialité face à la justice brésilienne. L’affaire Lula nous montre de plus en plus une justice fragilisée qui sert plus à maintenir des intérêts politiques qu’à rendre justice.

Beatriz RAVAGNANI