Encore inconnu en France, João Gilberto Noll, décédé l’an dernier, est une référence au Brésil. Auteur d’une vingtaine d’œuvres, romans et nouvelles, il a obtenu divers prix littéraires et plusieurs de ses textes ont été adaptés au cinéma. Les éditions do, dont le siège est à Bordeaux, permettent de le découvrir, enfin, en France, avec ce court roman étrange et ouvert.
Photo : João Gilberto Noll/Folha de Manhã
Le narrateur est un jeune homme qui vit avec sa mère à Porto Alegre. Au chômage depuis trois mois, il se laisse vivre, il déambule dans les rues de sa ville. Une séance de cinéma, une fille rencontrée par hasard, une étreinte rapide, sans plaisir, occupent ses heures.
C’est parti pour une sorte d’errance sans but avéré, pour une tranche de vie (la vie a-t-elle un but ?) dans Porto Alegre, puis à travers le Brésil. Le jeune homme écrit des poèmes, il fait des rencontres, parmi lesquelles un couple de vieux Allemands qui le recueillent après le départ de sa mère.
Hors de toute aventure, on voit le narrateur être témoin bien plus qu’acteur, c’est sa nature ; témoin d’une foule de spectacles, parfois anodins, parfois d’une grande importance pour lui. Ce qu’il voit, ce sont des manières de vivre ou d’être, très éloignées de la sienne et le lecteur, souvent de façon presque inconsciente, découvre la réalité brésilienne : activités de rues, sursauts politiques (on manque de peu Lula lui-même, il va intervenir dans un meeting), ambiances cariocas, que le jeune homme découvre aussi. D’autres réalités, plus universelles, apparaissent également : la maladie, la mort, le veuvage, la solitude ou la vie partagée…
Le lecteur lui aussi est témoin, essentiellement témoin… mais, à travers le non-dit, l’apparente banalité, il sent en lui d’abord de timides réactions par rapport à ce qui arrive au protagoniste, puis des réflexions qui peuvent naître (ou non, selon sa disponibilité), qui peuvent aller de l’adhésion au refus (je sais que certaines scènes qui, pourtant, ne dépassent pas les bornes, ont pu en choquer certains).
La richesse de La Brave Bête du coin tient précisément de la liberté absolue du lecteur à se laisser simplement porter, à se mettre à commenter les événements racontés ou à profiter du plaisir brut de la lecture.
Christian ROINAT
La Brave Bête du coin de João Gilberto Noll, traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec, éd. do, 96 p., 14 €. João Gilberto Noll en portugais : O quieto animal da esquina, Rio de Janeiro, Rocco, 1991.