Sur les traces des réalisateurs latinos depuis le 71e festival de Cannes

Les Nouveaux Espaces Latinos suivent depuis bien des années le festival de Cannes. Un de nos spécialistes de cinéma, Alain Liatard, nous livre ici ses premières impressions du festival, qui a débuté exceptionnellement cette année un jour plus tôt, le mardi 8 mai, et qui devrait s’achever dimanche prochain en dévoilant les classiques palmarès établis par un jury présidé par l’actrice australienne Cate Blanchett. Récompensée deux fois aux Oscars pour Aviator de Martin Scorsese (2005) et Blue Jasmine de Woody Allen (2014), l’actrice australienne est la 12e femme à se voir confier la présidence cannoise.

Everybody Knows
d’Asghar Farhadi (Espagne – 2 h 12)

Asghar Farhadi diplômé des universités de Téhéran et de Tarbiat Modarres, étant le jeune iranien s’intéressa d’abord à l’écriture théâtrale avant de se tourner vers le cinéma. Multipliant les collaborations avec plusieurs réalisateurs, Farhadi connaît une année 2008 extrêmement productive en tant que scénariste. Il écrit en effet un film Tambourine, puis travaille respectivement sur les scénarios de Shab et de Canaan ainsi qu’en 2009, le cinéaste participe à l’écriture du film de Masud Kimiai : Mohakeme dar khiaban. Il réalise la même année À propos d’Elly pour lequel il reçoit l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin. En 2011, Une Séparation, il reçoit notamment l’Ours d’Or du meilleur film, le César et l’Oscar du meilleur film étranger. En 2013 sort en salles Le Passé, premier film du réalisateur tourné en France. Le metteur en scène retourne ensuite en Iran et livre Le Client, qui présente au festival de Cannes 2016 où il obtient le prix d’interprétation masculine pour Hosseiniet le prix du scénario, apporte également à Farhadi le deuxième Oscar de sa carrière. Fort de ce succès international, le réalisateur pose sa caméra en Espagne pour un projet qu’il tente de mettre sur pied depuis de nombreuses années. Porté par le couple star Penélope Cruz et Javier Bardem, Everybody Knows ausculte le poids du passé et des secrets au sein du noyau familial. Ce thriller psychologique est présenté en compétition au 71e Festival de Cannes, dont il a fait par ailleurs l’ouverture. A l’occasion du mariage de sa soeur, Laura revient avec ses enfants dans son village natal au coeur d’un vignoble espagnol. Mais des évènements inattendus viennent bouleverser son séjour et font ressurgir un passé depuis trop longtemps enfoui.

Les Oiseaux de passage (Pájaros de verano)
de Ciro Guerra et Cristina Gallego (Colombie – 2 h 05)

Dans les années soixante-dix, en Colombie, une famille d’indigènes Wayuu se retrouve au cœur de la vente florissante de marijuana à la jeunesse américaine. Quand l’honneur des familles tente de résister à l’avidité des hommes, la guerre des clans devient inévitable et met en péril leurs vies, leur culture et leurs traditions ancestrales. C’est la naissance des cartels de la drogue. Ciro Guerra a réalisé trois films dont Les Voyages du vent et L’Étreinte du serpent. Cristina Gallego est productrice et enseignante dans différentes écoles de cinéma.

Les silences (Los silencios
de Beatriz Seigner (Brésil – 1 h 28)

 Nuria, 12 ans, Fabio, 9 ans, et leur mère Amparo arrivent sur une petite île au milieu de l’Amazonie, à la frontière du Brésil, de la Colombie et du Pérou. Ils ont fui le conflit armé colombien, dans lequel leur père a disparu. Un jour, celui-ci réapparait dans leur nouvelle maison. La famille est hantée par cet étrange secret et découvre que l’île est peuplée de fantômes. Il s’agit du second film de Beatriz Seigner, par ailleurs scénariste de Walter Salles. Avec Marleyda Soto, Enrique Diaz, Maria Paula Tabares Peña, Adolfo Savinino.

L’Ange (El Angel)
de Luis Ortega (Argentine – 2 h 06) – Section «Un certain regard»

Buenos Aires, 1971. Carlitos est un adolescent de 17 ans au visage d’ange à qui personne ne résiste. Ce qu’il veut il l’obtient. Au lycée, sa route croise celle de Ramon. Ensemble ils forment un duo trouble au charme vénéneux. Ils s’engagent sur un chemin fait de vols, de mensonges où tuer devient bientôt une façon de s’exprimer. Luis Ortega est né dans une famille d’artistes. Son père Palito Ortega est un chanteur populaire argentin qui s’est également essayé au cinéma (acteur, réalisateur et compositeur), sa mère Evangelina Salazar et sa soeur Julieta Ortega sont actcrices et son frère Emanuel Ortega compositeur. Le jeune homme fait ses premiers pas dans la réalisation en 2003 avec La Caja negra, un film sensible sur les relations familiales et la difficulté d’être avec les autres.

O Grande circo Místico
de Carlos Diegues (Brésil – 1 h 45)

 Ce film est le 18e film de Carlos Diegues, l’un des plus importants noms de la culture et du cinéma brésilien. Inspiré d’un poème de Jorge de Lima, célèbre poète brésilien, et avec la bande musicale écrite par Chico Buarque et Edu Lobo, le filme raconte l’histoire de cinq générations d’une même famille du cirque. Depuis l’inauguration du Le Grand Cirque Mystique en 1910 jusqu’à aujourd’hui, le spectateur suivra avec l’aide de  » CELAVI « , le maitre de cérémonie qui n’a jamais vieilli, les aventures et les amours de la famille de leur début jusqu’à leur décadence et la fin surprenante. Un film dans lequel la réalité et la fantaisie marchent ensemble. Réalisateur de films comme Ganga Zumba ou Quilombo, Carlos Diegues est avec son compère Glauber Rocha l’un des fers de lance du « cinéma novo », mouvement brésilien qui connut son apogée dans les années 60 au Brésil. Il prend ensuite un virage radical dans sa carrière et se démarque de l’interprétation brute de la réalité sociale prônée par ce genre engagé, en décidant quelque vingt après, de s’ouvrir à un enthousiasme revendiqué. Ce changement d’esthétique lui offre les honneurs de Cannes où il est sélectionné trois fois, notamment pour Bye Bye Brazil en 1980. Si le style a pu changer, ses convictions ne se sont quant à elles pas étiolées et les thèmes de ses films restent fortement marqués par une approche critique et passionnée de la vie au Brésil aujourd’hui.

Meurs, monstre, meurs (Muere, monstruo, muere)
d’Alejandro Fadel (Argentine – 1 h 49) – Section «Un certain regard»

Dans une région reculée de la Cordillère des Andes, le corps d’une femme est retrouvé décapité. L’officier de police rurale Cruz mène l’enquête. David, le mari de Francisca, amante de Cruz, est vite le principal suspect. Envoyé en hôpital psychiatrique, il y incrimine sans cesse les apparitions brutales et inexplicables d’un Monstre. Dès lors, Cruz s’entête sur une mystérieuse théorie impliquant des notions géométriques, les déplacements d’une bande de motards, et une voix intérieure, obsédante, qui répète comme un mantra : «Meurs, Monstre, Meurs».

Alain LIATARD
Depuis Cannes