L’actualité du cinéma latino-américain est particulièrement riche en cette fin de mois de mars. Les festivals de Villeurbanne et de Toulouse se sont achevés cette semaine et nous allons revenir sur les films marquants. Deux nouveaux films, très différents mais nostalgiques, sortent sur les écrans le 4 avril : l’un est un conte sur l’enfance et l’autre sur l’amour au troisième âge.
Photo : extrait de Candelaria
Le film cubain Candelaria du réalisateur colombien Jhonny Hendrix Hinestroza
L’histoire se passe à La Havane en 1994. Au plus fort de l’embargo américain, les Cubains traversent une crise économique sans précédent. C’est la période spéciale qui a suivi la chute du grand frère soviétique. Parmi eux, Candelaria et Victor Hugo, 150 ans à eux deux, vivent de bric et de broc et élèvent des poussins dans leur appartement décrépi, jusqu’au jour où Candelaria rentre à la maison avec une trouvaille qui pourrait bien raviver la passion de leur jeunesse: un caméscope…
Réalisateur et producteur, Jhonny Hendrix Hinestroza est né en 1975 à Quibdó en Colombie. Il est l’organisateur du festival de cinéma de Cali, Cien Milímetros, et produit les films de jeunes réalisateurs colombiens avec sa société de production Antorcha Films. Après avoir réalisé le court métrage Cuando llegan los muchachos, son premier long métrage Choco est présenté en 2012 au Festival de Berlin. Candelaria a reçu à la Mostra de Venise 2017 le prix du meilleur film de la section Venice Days. Il est le premier réalisateur noir à accéder au grand écran en Colombie.
«Je savais que je voulais écrire sur la peur de vieillir, parce que depuis cinq ans environ je vois mes parents vieillir, explique le réalisateur. Je suis préoccupé par la vieillesse et c’est pour cette raison que j’ai décidé de faire un film qui traitait de cette question. Quand j’ai été invité au festival de La Havane, j’y ai rencontré quelqu’un qui m’a parlé de la période spéciale de Cuba, cette époque dont tous les habitants de l’île se souviennent très bien mais dont personne ne veut parler : les années de crise économique qui ont suivi l’éclatement de l’URSS et l’embargo américain. Ce récit m’a rappelé mon enfance sur la côte pacifique colombienne. J’ai donc décidé de réunir mon expérience personnelle et le récit cubain dans une histoire commune.»
Mais le tournage a été très compliqué : l’acteur qui jouait Victor Hugo meurt au milieu du tournage et il a fallu tout recommencer. C’est ensuite le décès de Fidel Castro qui désorganise le tournage. «Mais malgré tout, ajoute Jhonny Hendrix Hinestroza, ce tournage a été l’une de mes expériences les plus belles et les plus enrichissantes. Cuba est finalement devenu un personnage à part entière dans le film, davantage sonore que visuel d’ailleurs.»
Le film est touchant, plein d’émotion et d’humanité grâce à la qualité de l’interprétation des deux acteurs. Verónica Lynn est très connue pour ses interprétations de radio, télévision et cinéma. Alden Knight a tourné, lui, dans plus de cent films. Une œuvre très délicate et tendre sur la sexualité du troisième âge. Et un beau travail sur la lumière, le regard des gens et la musique.
Un film chilien pour enfants : Un cheval nommé Éléphant d’Andrés Waissbluth
Dans les années soixante-dix, un grand-père au seuil de la mort demande à ses petits-enfants, Lalo et Roberto, de libérer leur cheval, «Éléphant», avant de le vendre. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est le vol du cheval par Infausto, un homme qui décide de l’emmener dans le cirque où il est employé. Lalo et Roberto décident de se faire embaucher dans le cirque pour essayer par tous les moyens de le récupérer, même si cela met leur vie en danger.
«Un cheval nommé éléphant a été réalisé à la suite d’une demande et de la rencontre de Lalo Parra, explique le réalisateur Andrés Waissbluth. L’idée principale était de raconter cette aventure comme si elle était racontée par l’oncle Lalo lui-même, de la même manière qu’il me l’avait relatée. C’est-à-dire avec cette poésie et cette saveur créole, avec cet engagement social et cet humour à la fois piquant et naïf. Je voulais faire un film qui recrée une histoire centrale dans le développement artistique de l’une des principales familles de créateurs de mon pays, les Parra, et cela a été un énorme défi, et donc très motivant. S’il y a un facteur commun dans les travaux de Parra, en particulier dans le cas de Lalo, Roberto et Violeta, c’est le fait que leurs œuvres représentent une synthèse de ce qu’est la culture chilienne, avec de fortes doses d’engagement social. Pour cela, ce film avait une esthétique populaire, spirituelle, mais en même temps digne, innocente et crue.»
Le film est un conte, mais il manque un peu de fantaisie. Si utiliser des séquences d’animation, inspirées par les bandes dessinées, pour montrer ce que pensent les enfants, est une bonne idée, on reste très loin de la folie de Jodorowsky.
Le réalisateur Andrés Waissbluth est né en 1973, aux États-Unis. En 2003, il réalise son premier long métrage Los Debutantes, un film qui a été nominé par le Chili pour les prix Óscar et Goya, et qui a été présenté dans de nombreux festivals. Un cheval nommé Éléphant est son troisième long métrage.
Alain LIATARD