Accusée d’homicide aggravé après avoir subi un avortement involontaire, Teodora Vázquez, femme salvadorienne, avait été condamnée à une peine de trente ans de prison. Après dix ans d’emprisonnement, elle a été libérée la semaine dernière, suite à la décision prise par la Cour de Justice qui a réduit sa peine. Néanmoins, elle reste coupable aux yeux de la justice car, du point de vue de la loi salvadorienne, l’avortement est considéré comme un délit, sans aucune exception, même en cas de viol ou d’inceste, ou de danger pour la santé de la femme. Les accusées peuvent encourir jusqu’à 40 ans de prison. Le site Konbini a mis en ligne un reportage consacré à Teodora Vásquez.
Photo : Radio Canada
Depuis 1997, le Salvador possède une des plus sévères lois pour les femmes qui pratiquent l’avortement et pour ceux qui les assistent. Actuellement, le pays a un des indices de grossesse les plus hauts parmi les pays d’Amérique Latine, et environ 30 % de ces femmes sont des adolescentes. Une étude du Ministère de la Santé sur les grossesses des filles et des adolescentes au Salvador en 2015 révèle que, toutes les vingt-et-une minutes, une fille ou une adolescente apprend qu’elle est enceinte.
Les conditions de pauvreté, l’abus sexuel et l’éducation sont les facteurs qui expliquent cette logique, et c’est l’extrême législation anti-avortement qui peuvent les amener à ruiner ces vies. Néanmoins, cela reste une loi qui touche les plus démunies, et la seule solution pour la contourner peut sembler couteuse et consiste à pratiquer un avortement secret dans une clinique privée. S’il est évident qu’une loi anti-avortement ne réduit pas les taux de grossesse, elle augmente en revanche le nombre d’avortements clandestins, très dangereux pour la vie et la santé de la femme.
En 2016, un projet de loi a été présenté par le parti de gauche Libération Nationale (FMLN), soutenu par les organisations féministes salvadoriennes, qui cherchait a réformer la loi en permettant l’avortement si la grossesse est le résultat d’un viol, de la traite de personnes, ou si la vie future du fœtus n’est pas considérée comme viable. Mais la réponse du parti de droite ARENA a été de proposer une augmentation à 50 ans de prison pour délit d’avortement.
Aujourd’hui, au milieu d’une pression croissante de la part des citoyens, des activistes, des ONG et de l’ONU, l’objectif est la décriminalisation totale de l’avortement. Les législateurs et les députés commencent à envisager une diminution des restrictions. La refonte de cette loi pourrait signifier une avancée sociale concernant les droits des femmes, mais il ne faut pas oublier le poids considérable que représente l’Église catholique dans ce débat, car le Salvador reste un pays traditionnellement catholique.
Le cas de Teodora Vázquez a fortement retenu l’attention de la population et des organismes nationaux comme internationaux. Mais c’est un cas résolu parmi d’autres qui ne le sont pas : il y a toujours au moins 27 femmes derrière les barreaux accusées du même crime, c’est-à-dire d’avoir subi un avortement spontané ou d’avoir dû faire face à la mort d’un fœtus mort parce qu’elles ont souffert de complications pendant la grossesse.
Karla RODRÍGUEZ
Le site Konbini news propose un reportage en ligne. Hugo Clément et Clément Brelet les ont rencontrées et ont tenté de comprendre comment une telle loi pouvait exister. Visionner le reportage : Konbibi-ElSalvador