La campagne pour le référendum, lancée par l’actuel président Lenín Moreno, a pour objectif, entre autres amendements de la Constitution, de supprimer le droit à la réélection indéfinie qui avait été actée durant le régime de son prédécesseur, Rafael Correa. Elle crée un climat politique instable en ce début d’année 2018, par la confrontation entre Lenín Moreno et l’ancien président qui lutte pour le « No ». Le référendum est fixé au 4 février prochain.
Photo : LaRed21
L’Équateur aura vécu en 2017 l’une de ses années les plus intenses dans le domaine politique et social. Elle est née au cœur d’une campagne électorale présidentielle disputée, après une décennie au pouvoir de Rafael Correa et de sa Révolution Citoyenne, qui a finalement vu l’élection de Lenín Moreno, ancien vice-président de Correa, membre du même parti Alianza País, face au représentant de la droite, Guillermo Lasso, battu avec trois points de différence. Moreno a d’abord embrassé les causes du socialisme, mais dans son empressement à réconcilier le pays il a appelé à un « dialogue national » avec tous les secteurs, se rapprochant même du plus antagoniste. C’est ainsi qu’il a ouvert un fossé irréconciliable avec son mouvement et l’ancien président, dont il a par ailleurs rapidement critiqué et discrédité la gestion financière.
L’affaire Jorge Glas, allié de Correa et vice-président du nouveau gouvernement, mis en détention préventive pour le dossier des pots-de-vin de la société de construction brésilienne Odebrecht, et dont le procès a débuté le 24 novembre à Quito, ainsi que la consultation populaire annoncée par Lenín Moreno, prévue le 4 février, ayant pour objectif, entre autres amendements de la Constitution, de supprimer le droit à la réélection indéfinie, n’ont fait qu’aggraver les relations entre les deux hommes, devenus les pires ennemis politiques. Il faut préciser que Glas a été condamné en décembre à six ans de prison par la Cour nationale de justice, en plus d’une forte amende, pour conspiration criminelle dans le cadre du programme de corruption organisé par Odebrecht. Odebrecht a reconnu avoir délivré 33,5 millions de dollars en pots-devin aux fonctionnaires de l’État équatorien, mais récemment, le procureur général a déclaré que les paiements illégaux avaient atteint 50 millions.
Depuis, l’ancien président, Rafael Correa, fait activement campagne contre le référendum prévu, mais aussi tente d’obtenir l’expulsion du président actuel. Raison pour laquelle, alors qu’il réside en Belgique, il a déjà fait un premier voyage en Équateur, pendant une dizaine de jours, fin novembre.
Comment débute 2018 ?
Rafael Correa est de retour en Équateur depuis ce 5 janvier, pour poursuivre sa campagne du « No » à plusieurs des sept questions posées par le référendum, dont bien entendu celle de la réélection indéfinie, la campagne étant ouverte depuis le 3 janvier. Selon l’analyste David Chávez, sociologue de l’Université centrale de l’Équateur, l’arrivée de Correa génère des inquiétudes dans les secteurs conservateurs, favorables à la consultation, qui connaissent sa popularité et sa capacité à faire campagne.
Lenín Moreno, pour sa part, a déclaré aux journalistes ce mercredi 3 janvier que « depuis hier minuit, soit trois mois après son incarcération, d’après ce que dit la constitution, le vice-président de la République a cessé d’exercer ses fonctions ». Il a ajouté que, selon la loi équatorienne, il disposait de 15 jours pour présenter au Parlement trois candidats au pouvoir législatif, afin d’élire le nouveau vice-président, mais il a indiqué que cela prendrait « considérablement moins de temps parce qu’un pays ne peut pas se passer d’un vice-président ». De fait, il a proposé trois candidats, en l’occurrence trois candidates, qui sont « des gens de grande valeur, loyaux et en qui il a toute confiance ». C’est María Alejandra Vicuña qui a été désignée vice-présidente, les autres candidates étant la ministre des Affaires étrangères, María Fernanda Espinosa, et la ministre de la Justice, Rosana Alvarado Las.
Vicuña, âgée de 39 ans, est ministre du Développement urbain et du Logement et exerce depuis octobre dernier, par décision du président Lenín Moreno, la fonction de vice-président intérimaire. Elle a été élue avec 70 voix lors d’une séance plénière de l’Assemblée nationale le 6 janvier, en présence de 106 des 137 membres de l’Assemblée nationale. La majorité requise était de 69 voix. Vicuña, qui est psychologue de profession, a 10 ans de carrière dans différents postes publics. Elle a été membre de l’Assemblée à deux reprises (2009-2013 et 2013-2017) et était donc ministre du Développement urbain et du Logement depuis le 24 mai, date à laquelle Moreno est arrivé au pouvoir.
Elle est la seconde femme à occuper un poste aussi important, seulement précédée par Rosalía Arteaga (août 1996 – février 1997), ce qui démontre que les femmes prennent de plus en plus de place dans la vie politique, comme dans les autres secteurs, en Équateur. Ainsi l’Équateur entame 2018 comme en 2017, avec une campagne électorale acharnée, mais cette fois à propos de la consultation populaire proposée par le président Lenín Moreno, dont les résultats sont imprévisibles.
Catherine TRAULLÉ