L’actualité argentine passe par les récentes déclarations du président Mauricio Macri qui a déclaré à la presse disposer de nouvelles informations sur le cas du procureur Alberto Nisman, trouvé mort d’une balle dans la tête à son domicile le 18 janvier 2015.
Photo : Alberto Nisman/Diario 26
Lorsque le procureur Alberto Nisman fut trouvé mort d’une balle dans la tête à son domicile, le 18 janvier 2015, soit un jour avant de présenter au Parlement un rapport sur l’attentat de 1994 au siège de l’association juive AMIA, un sentiment de « déjà vu » s’est emparé de la société argentine. Habitué aux méthodes maffieuses, tout le monde avait dit que la disparition brutale du procureur ne serait jamais élucidée ; une disparition de plus, un autre « suicidé » comme autant de cas similaires qui depuis des décennies ont jalonné l’histoire de l’Amérique latine.
Cependant, à partir de l’élection de Mauricio Macri à la présidence le 10 décembre 2015, la vieille Argentine soumise à une classe politique occupée à « travailler » pour protéger les intérêts de ses concitoyens (mais qui, en réalité, s’entretue pour conserver le pouvoir afin d’augmenter ses prérogatives) semble se retourner sur elle-même en se mordant la queue, faisant penser au ruban sans fin de Möbius. C’est dans ce contexte, un cercle vicieux où ne cessent de circuler de nombreux cas de corruption, que la mort de Nisman marque en quelque sorte – on le verra avec le recul du temps – un nouveau départ dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.
Récemment, au début du mois de novembre, le président Macri fut interrogé lors de sa visite aux États-Unis sur la vérité du suicide du procureur : « Nous allons mener les investigations jusqu’au bout, surtout sur l’hypothèse d’assassinat avancée par les contre-expertises effectuées par la Gendarmerie et confirmées par le Parquet fédéral. » Pour mettre cette déclaration en perspective, rappelons que la nouvelle de la mort de Nisman fut reçue avec stupeur et indignation, car le procureur avait manifesté publiquement son intention de révéler des informations incriminant le clan kirchneriste, dont une grande partie se trouve aujourd’hui sous les verrous. D’après Nisman, qui était prêt à fournir des preuves à la justice, l’ex-présidente Cristina Kirchner avait fait signer un accord avec l’Iran afin de bloquer les demandes d’Interpol concernant les arrestations des terroristes iraniens impliqués dans l’explosion de l’Association Mutuelle Israelite Argentine (AMIA), qui avait fait 85 morts le 18 juillet 1994.
La réouverture du cas Nisman, et la promesse du président Macri d’aller jusqu’au bout de la vérité, suscitent donc dans l’ensemble de la société plus qu’une vague d’espoir : une attente silencieuse, une prudente expectative chargée d’une électricité presque palpable. En effet, bien que beaucoup d’Argentins restent sceptiques vis-à-vis du programme politique et économique de Cambiemos, le cas Nisman a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase d’un pays façonné par l’oubli, l’impunité, la violence meurtrière qui frappe ceux qui croient encore construire un pays « dans le but de former l’union nationale, d’affermir la justice, de consolider la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de promouvoir le bien-être général et d’assurer les bénéfices de la liberté », conformément au préambule de la Constitution argentine.
Or, deux ans et dix mois après la mort de Nisman, l’affaire vient d’être classée en tant qu’« homicide », et l’informaticien Diego Lagomarsino a été inculpé en tant que participant d’un présumé plan criminel contre le procureur. Selon les enquêteurs, l’ex-conseiller en informatique, qui entretenait une relation de « maître-esclave » avec le procureur, a fourni l’arme meurtrière Bersa calibre 22, laquelle n’avait pas d’autorisation légale depuis avril 2007. « Les circonstances entourant la mort de Nisman ne laissent aucun soupçon sur la possibilité d’un suicide », a déclaré Eduardo Taiano, le procureur chargé de l’enquête qui a affirmé également que « Natalio Alberto Nisman a été victime d’un homicide perpétué par des tierces personnes ». En attendant la suite du procès contre Lagomarsindo, et les révélations sur des nouveaux cas de corruption cette fois au sein de l’AFIP (Administration Fédérale des Recettes Publiques), un autre scandale a éclaté ces derniers jours au sujet de l’Association du Football Argentin, dans le cadre des enquêtes menées aux États-Unis liées au méga procès FIFAgate. À suivre.
Eduardo UGOLINI