Arte propose ce mardi 28 novembre à 22 h 35 le documentaire Colombie, le silence des armes, de la réalisatrice Natalia Orozco. Elle retrace, de l’intérieur, les étapes du processus de paix entre les Farc et le gouvernement. Un an après la signature de l’accord, elle éclaire les défis que doit aujourd’hui relever son pays
Justice
“C’est la question qui a divisé et divise encore aujourd’hui l’opinion publique : comment admettre que les Farc, les Forces armées révolutionnaires de Colombie, qui ont commis des crimes injustifiables, n’aillent pas en prison ? C’est très difficile à supporter, même pour moi qui crois profondément à la négociation comme seul chemin pour arriver à la paix, mais il n’y avait pas d’autre choix. Les commandants de la guérilla n’auraient jamais accepté de négocier pour finir leurs jours en prison, après cinquante ans de lutte. Comme dans tous les processus de paix à travers le monde, les deux parties se sont accordées sur une justice spéciale. Les guérilleros comparaîtront devant un tribunal et devront dire la vérité. En échange, ils recevront des peines alternatives à la prison. Dans le cas où un tribunal prouve qu’ils mentent et cachent des informations importantes, ils perdront automatiquement ces privilèges et comparaîtront en justice traditionnelle.”
Vérité
“Les victimes veulent savoir où sont les disparus, où sont enterrés les corps. Ce processus devra également mettre au jour les routes de la drogue, révéler à qui appartenaient les cultures illicites et si les Farc ont encore de l’argent ou des armes cachées. Mais surtout – et c’est la vérité la plus importante –, la Colombie a besoin de savoir avec quelles forces au sein des institutions, du gouvernement, de l’armée et de la police, les Farc et les forces paramilitaires ont travaillé. Qui les a financés ? Si les militaires et les élites colombiennes ne parlent pas, si seule la guérilla le fait, le processus de paix ne sera qu’une illusion. Des générations continueront à croire que le pays se divise entre les bons et les mauvais, et que les guérilleros sont les seuls mauvais. Or, il n’y a rien de moins vrai.”
Divisions
“Si je dis toujours que je n’ai jamais connu un seul jour de paix dans ma vie, aujourd’hui, je peux affirmer que je n’ai jamais vu la Colombie aussi divisée. Au-delà de la difficulté à pardonner, je pense que l’opposition aux accords est liée à deux autres raisons. D’abord, le processus de paix oblige les grands propriétaires terriens à rendre une partie de leurs terres aux paysans. Or ceux-ci ne veulent pas perdre leurs privilèges. Ensuite, les élites colombiennes, les propriétaires terriens, les industriels, les multinationales ont peur que les Farc parlent et que l’opinion publique apprenne la vérité, à savoir leur rôle dans le financement de la guérilla et des paramilitaires, et leur implication dans le déplacement des populations les plus vulnérables. Je ne justifierai jamais les excès commis par les Farc, mais eux sont en train de demander pardon, presque toutes les semaines, dans tous les coins de la Colombie. On attend que les autres, l’armée, les élites, les grands médias, l’Église fassent de même.”
Propos recueillis par Laetitia Møller
ARTE