Les éditions La contre allée vient de publier le deuxième livre en français de Sara Rosenberg militante politique argentine arrêtée durant plus de trois ans par la dictature de son pays. Contre-Jour, une inter-textualité qui donne une ampleur très littéraire et politique. Le livre a été traduit par Belinda Carbacho, agrégée d’espagnol, enseigne en classes préparatoires littéraires. Passionnée par la littérature contemporaine argentine, elle a consacré sa thèse à l’œuvre narrative de l’écrivaine argentine Silvina Ocampo.
Photo : Éditions La contre allée
Jeronimo, metteur en scène argentin exilé à Madrid avec sa compagne Griselda, une comédienne alcoolique, disparaît subitement. Il est retrouvé mort, quelques jours plus tard, dans une chambre d’hôtel. Contre-jour est construit comme un thriller sous-tendu par la violence maximale que représente la disparition. Celle de Jeronimo agit de telle manière sur Griselda qu’elle retrouve le goût de la résistance. Après des années d’aveuglement et de dépression, cette recherche de la vérité et de la justice lui permet de revenir à la vie. Elle est une «réapparue».
Griselda est alors une femme en lutte qui se débat avec ses dépendances, sa solitude et la disparition de son mari. Son intégrité morale, son souvenir vivace des personnages théâtraux qu’elle incarne comme Antigone de Sophocle ou Irma de Genet (Le Balcon), et qu’elle cite souvent en guise de réplique à ces interlocuteurs dans la vie courante, crée une intertextualité qui donne une ampleur à la fois littéraire et politique au roman. Griselda (ré)cite aussi pour se rappeler, pour lutter contre l’effacement de l’Histoire. Paranoïaque, elle incarne le climat de suspicion qui règne dans une société schizophrénique, héritée d’un régime totalitaire.
De Hilo rojo (Un fil rouge), premier roman publié en 1996, à Contraluz (Contrejour), dix ans après, Contre-jour est comme un écho à Un fil rouge, dans le sens où la violence de la disparition est présente dans ces deux textes. La disparition de Julia en 1976 (Un fil rouge) et celle de Jeronimo, dans les années 2000, ont un lien et soulignent le continuum de l’Opération Condor. L’impunité et l’injustice existent toujours malgré les procès argentins et bien qu’il y ait eu plusieurs décisions de justice en faveur de la vérité, ces succès restent fragiles. Écrit en 2005 au moment du procès de Scilingo à Madrid et peu après l’annulation des lois d' »Obéissance Due » et de « Point Final » qui interdisaient aux Tribunaux argentins de sanctionner les responsables des violations des droits de l’Homme commis entre les années 1976 et 1983, Contre-jour cherche à montrer les ramifications déployées par les responsables de l’horreur et leurs complices, et les dérives mafieuses dans un monde globalisé.
Éditions La contre allée