Au Brésil, le scandale de corruption Petrobas secoue les plus hauts fonctionnaires de l’État. Le Tribunal suprême fédéral, seul habilité à enquêter sur des élus bénéficiant de l’immunité, est chargé du dossier lié à un gigantesque scandale de corruption.
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Le Tribunal suprême fédéral (TSF), la plus haute juridiction du Brésil, a annoncé mardi 11 avril l’ouverture d’une gigantesque enquête concernant au moins huit ministres du gouvernement et des dizaines de députés et sénateurs. Le juge Edson Fachin, chargé de ce dossier explosif, s’intéresse à 108 personnalités.
Toutes ces personnes sont soupçonnées d’être impliquées dans le plus grand scandale de corruption de l’histoire du pays : l’affaire Petrobras. Dans les années 2000, sous la présidence de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), la compagnie pétrolière, gérée par l’État, a accordé des contrats surfacturés aux entreprises du BTP. Ces dernières s’étaient rassemblées en cartel pour se partager les marchés. Les pots-de-vin servaient ensuite à financer des partis de la coalition de centre gauche alors au pouvoir. Les contrats de ces chantiers étaient surfacturés de 1 à 5 % de leur valeur réelle. Des agents de change géraient ensuite les paiements et blanchissaient l’argent sale. Les personnes citées sont soupçonnées d’avoir détourné plus de deux milliards de dollars de la compagnie pétrolière, selon un document consulté par l’AFP.
L’investigation s’appuie en grande partie sue les témoignages de 77 anciens cadres d’Odebrecht, grand groupe de BTP. Son ex-patron, Marcelo Odebrecht, a d’ailleurs été condamné à dix-neuf ans de prison. mais d’autres cadres ont négocié une « délation compensée », un allègement de peine en échange de leur témoignage. Selon un décompte du site du journal Estado de Sao Paulo, 29 sénateurs et 42 députés sont visés par l’enquête, dont les présidents des deux chambres du Congrès. On retrouve également Eliseu Padilha, le chef de la Maison civile, l’équivalent d’un premier ministre dans le système politique brésilien. Les ministres des affaires étrangères, de l’agriculture et du commerce, ainsi que les leaders de deux partis appartenant à la coalition du président, Michel Temer, sont également sur la liste.
Interrogé par Associated Press (AP), Claudio Couto, un professeur de sciences politiques de l’université Getulio Vargas de Sao Paulo, parle de « tsunami » pour décrire l’ampleur du scandale. « Chaque parti, chaque Etat, a quelqu’un sur la liste. Les leaders des deux chambres sont impliqués. C’est la preuve que la corruption au Brésil est systémique. L’affaire pourrait potentiellement désorganiser toute l’administration », prévient-il.
En tant que président M. Temer ne peut être poursuivi que pour des actes commis au cours de son mandat. Mais sa situation est délicate : il fait face à des accusations de financement illégal de sa campagne tout en essayant de faire accepter au pays des mesures d’austérité. Depuis son arrivée au pouvoir, en 2016, plusieurs de ses ministres ont déjà été contraints de démissionner du fait d’accusations de corruption.
Le TSF a autorité pour juger les élus brésiliens protégés par l’immunité. Mais l’enquête vise aussi d’anciens politiques et des hommes d’affaires dont les cas sont suivis par d’autres tribunaux. Dilma Rousseff (destituée pour maquillage des comptes publics en 2016), Luiz Inacio Lula da Silva et Fernando Henrique Cardoso, trois anciens présidents, sont concernés. Le très populaire « Lula » a été inculpé dans plusieurs volets de l’enquête. Il aurait reçu 3,7 millions de réais, environ 1 million d’euros.
L’opération Lava Jato (Lavage express), simple enquête lancée en mars 2014 sur des stations-service, s’est donc transformée, trois ans plus tard, en scandale d’État. Les délits les plus récurrents dans ce dossier sont la corruption passive et active, la délinquance financière, le blanchiment d’argent et l’association de malfaiteurs. Des dizaines de chefs d’entreprise, cadres, intermédiaires et politiciens de tous bords sont déjà sous les verrous. Les juges ont prononcé jusqu’ici des peines de plus de 1 300 années de prison.
Catherine TRAULLÉ
D’après Le Monde et Le Figaro