Quinze ans ! Le Festival fête un anniversaire marquant dans une époque d’interrogations profondes. Jamais l’humanité n’a porté autant de richesses, de choix, de savoirs et de possibles. Mais les inégalités se creusent, le désordre gronde et la peur jaillit. Ne pas céder, questionner, résister, c’est le sens de l’appel d’Isabelle Gattiker, directrice des programmes. A noter, un débat en présence de Dilma Rousseff et un film sur les Mayas du Guatemala.
« Indignez-vous ! » lançait Stéphane Hessel au début de la décennie. Il a été pris au mot : l’indignation est aujourd’hui générale. Mais elle est acerbe, gonflée de rancœur et de haine. Il souffle un vent de rage contre « le système », contre les médias, contre nos institutions, contre les minorités, contre les fondements mêmes de la démocratie. S’indigner contre, c’est important, mais s’indigner pour : voilà le défi. Sous nos yeux, un ancien monde s’effondre. Alors nous nous demandons : qui construira le nouveau ? Être révolutionnaire en 2017, c’est surmonter la peur, c’est choisir ses mots, c’est se laisser émerveiller par les cinéastes et les artistes, et prendre le temps de revenir à la raison. Pour changer le monde en 2017, il faut poser les bonnes questions et proposer un horizon d’action. Pourquoi nous battons-nous ? Qu’est-ce qui nous réunit ? Vers quoi voulons-nous aller ? Comment pouvons-nous l’atteindre ? Il faut des lieux nouveaux, ouverts et accessibles, où l’on sort de l’entre-soi pour se confronter à l’autre, et des moments pour repenser l’acte politique et dépasser les slogans.
À partir de Genève, cette ville-monde qui a toujours été à la fois agitée et épargnée par les tremblements de la planète, nous avons construit une programmation qui dénonce fermement les violations contre la dignité humaine et nomme ses auteurs pour qu’ils ne restent pas impunis. Mais cette 15ème édition va beaucoup plus loin : elle surprend, elle donne l’envie d’agir, et elle transmet une force, une confiance et une énergie, avec la conviction profonde que chaque être humain est irremplaçable, digne d’être écouté, protégé et libre. Cet esprit de liberté qui anime toute notre programmation est un souffle positif, un élan. Pendant dix jours, quelque chose nous rassemble, le public, l’équipe, les cinéastes, les activistes et les partenaires, quelque chose d’unique et de puissant. Avec, tout au fond de nous, l’espoir de pouvoir dire un jour : en ce temps-là, nous n’avons pas cédé. Nous avons questionné. Nous avons défendu des valeurs fondamentales. Nous sommes restés droits, nous avons résisté au vent. Et nous avons eu raison ». Isabelle Gattiker.
Le Festival. Le FIFDH est l’événement le plus important dédié au cinéma et aux droits humains à travers le monde. Depuis 15 ans, il se tient chaque année au coeur de Genève, la capitale internationale des droits humains, en parallèle avec la session principale du conseil des droits de l’homme de l’ONU. Tous les soirs, le FIFDH propose des films suivis de débats de haut niveau pour dénoncer toutes les violations contre les droits humains partout où elles se produisent, y compris celles passées sous silence à l’ONU. Diplomates, ONG, victimes, artistes, financiers, militant.es, journalistes et le grand public sont invités à confronter leurs points de vue dans ce lieu unique. Chaque débat est transmis sur internet et possède un hashtag dédié : chacun peut poser des questions, en direct, depuis n’importe quel endroit de la planète.
A noter : le 11 mars à 15h, rencontre avec Dilma Rousseff, ancienne présidente du Brésil sur le thème « Combattre la faim et la misère au Brésil et en Inde ». Et à 16h, présentation du film « 500 years/500 años » de Pamela Yates, troisième partie d’une trilogie consacrée au Guatemala, la parole donnée aux Mayas.
Rithy Panh, artiste à l’honneur de la 15ème édition. Miraculeusement rescapé des camps de la mort des Khmers rouges, Rithy Panh devient l’un des plus grands cinéastes internationaux. Il poursuit depuis trois décennies une oeuvre cinématographique majeure sur le génocide et sur la mémoire. Il est co-auteur, avec Christophe Bataille, de L’élimination, un ouvrage autobiographique bouleversant qui interroge les fondements du mal et la naissance de la création.
Hommage à Keywan Karimi. En Iran, Keywan Karimi est condamné en 2015 par le tribunal islamique à 6 ans de prison, dont 5 avec sursis, et 223 coups de fouet pour « insulte envers le sacré » pour son documentaire Writing on the Walls, les graffitis de Téhéran. Le FIFDH lui dédie sa 15ème édition.
Rédaction d’Espaces latinos