Le vendredi 17 février, le magazine uruguayen Brecha révélait qu’un commando inconnu avait menacé de mort treize personnalités liées à la défense des droits humains en Uruguay dont le magistrat français Louis Joinet.
Photo : Libération
Montevideo, Uruguay, septembre 2015. Le général Pedro Barneix est mis en examen par la juge Beatriz Larrieu pour l’assassinat politique de Aldo Perrini, un jeune militant de gauche, en 1974 durant la dictature militaire (1973-1985). Lorsque la police arrive à son domicile pour l’arrêter, il annonce qu’il monte mettre ses chaussures, rentre dans sa chambre et se tire une balle dans la tête. Dix-sept mois plus tard, en février 2017, treize personnalités reçoivent dans leur boite mail un message de menaces : « Le suicide du général Barneix ne restera pas impuni, nous n’accepterons aucun autre suicide dû à des jugements injustes. Dorénavant, pour chaque suicide, nous tuerons trois personnes choisies au hasard dans la liste suivante… » C’est signé « Commando général Barneix ». Suivent les noms de magistrats, avocats et auteurs uruguayens, brésiliens et italiens, tous liés à la défense des droits humains. Parmi les menacés, le magistrat français Louis Joinet.
Louis Joinet. Co-fondateur du Syndicat de la magistrature en France, Louis Joinet est aussi l’un des rédacteurs de la loi Informatique et libertés à l’origine de la CNIL. Il est connu au niveau international en tant qu’expert indépendant pour sa lutte contre l’impunité dans les violations aux droits humains et pour avoir participé à l’élaboration de la Convention contre les disparitions forcées. S’il est menacé par ce commando, c’est parce qu’il a dénoncé, lors d’un débat organisé au Sénat en France, les crimes commis par les militaires uruguayens durant la dictature, et s’est rendu en Uruguay en 1975, mandaté par la FIDH (Fédération internationale pour la défense des droits humains) pour enquêter sur les violations commises par les militaires sous la dictature. Il est possible qu’il s’agisse d’un groupuscule de militaires et d’agents des services secrets.
Les personnes menacées. En plus de Louis Joinet, sont menacés Jorge Menéndez, ministre de la Défense uruguayen ; le juge Jorge Diaz ; l’ancienne juge Mirtha Guianze ; l’ancienne ministre adjointe aux Affaires étrangères Bella Herrera ; les avocats Oscar López, Pablo Chargoñia et Juan Errandonea, Federico Alvarez, Juan Fagundez et Hebe Martinez Burlé ; l’écrivaine Luz Ibarburu ; le Brésilien Jair Kirshke et l’Italienne Francesca Lessa. Tous sont liés à la défense des droits humains en général et en Uruguay en particulier.
Dernière minute (4 mars 2017). Suite à cet article, nous avons reçu les précisions suivantes sur les personnes menacées par le Commando : Jorge Menéndez (ministre de la Défense), Jorge Diaz (procureur dans l’unité Droits humains), Mirtha Guianze (ex procureure), Belela Herrera, Oscar López, Pablo Chargoñia, les avocats et magistrats Juan Errandones, Alvarez Petraglia, Juan Fagundez, Hebe Martínez, Jair Kirschke et Louis Joinet. Luz Ibarburu est la mère décédée du disparu Juan Pablo Regagno ; un observatoire des affaires portant sur les crimes du terrorisme d’État porte son nom ; des membres de cet observatoire, des chercheurs, des avocats de défense des droits humains et des membres de l’université giaf ont également été menacés. Pour plus d’information, visiter le site de l’association franco-uruguayenne Donde Están ? (Où sont-ils ?) qui a émis un communiqué qui condamne énergiquement ces menaces.
La réaction de Louis Joinet. Contacté par Espaces Latinos, Louis Joinet confirme les menaces à son égard et signale qu’il a demandé à M. Guillermo Dighiero, ambassadeur de l’Uruguay en France, « de bien vouloir transmettre sa plainte au Procureur général de la Nation uruguayenne pour qu’il ouvre une enquête afin d’identifier les membres de ce commando et les poursuivre pour que justice soit faite ».
Jac FORTON