Homme politique, diplomate, historien et écrivain, Rafael Tovar y de Teresa, ministre de la Culture du Mexique, est mort, samedi 10 décembre à Mexico, à l’âge de 62 ans. Deux jours plus tard, un hommage national a été rendu à celui qui a modernisé la gestion publique des arts au Mexique, érigeant la culture au rang de ministère.
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Rafael Tovar y de Teresa a été le premier à occuper le poste de ministre de la Culture, créé en décembre 2015 par décret présidentiel. Cette nomination a représenté l’apogée d’une carrière vouée à la création de dizaines de centres d’exposition, d’institutions culturelles et autres bourses de créateurs. Après avoir passé presque treize ans à la tête du Conseil national pour la culture et les arts (Conaculta) qui impulsait jadis les initiatives de l’État dans ce domaine sous la tutelle du ministère de l’Éducation, Tovar y de Teresa n’aura détenu son portefeuille ministériel qu’un an. Depuis quelques semaines, son cancer de la moelle osseuse l’avait contraint à se retirer de la vie publique.
Pourtant, francophone et francophile, il s’était rendu, le 5 octobre, en France pour inaugurer l’exposition de peinture « Mexique 1900-1950 » au Grand Palais à Paris. Un pays que cet avocat de formation connaissait bien après avoir étudié à l’université de la Sorbonne et à l’Institut d’études politiques de Paris. Il a aussi été, de 1983 à 1987, attaché culturel à l’ambassade du Mexique en France. Une expérience qui lui permettra de s’inspirer du modèle français pour transformer ensuite la politique culturelle mexicaine.
Né le 6 avril 1954 à Mexico dans une famille de sept enfants, ce mélomane débute sa carrière, dans les années 1970, comme critique musical au journal mexicain Novedades. Chargé de la culture au ministère du Budget, puis au sein du ministère des Affaires étrangères, il participe à la création, en 1988, de Conaculta, qui fédère les institutions culturelles du pays.
Passionné de littérature. Ses qualités d’administrateur le propulsent, en 1991, à la tête de l’Institut national des beaux-arts, avant de prendre les rênes de Conaculta de 1992 à 2000 puis de 2012 à 2015. Tovar y de Teresa y a joué un rôle clé dans le développement d’un énorme réseau de plus de 1 200 musées et 22 000 bibliothèques à l’échelle nationale. Sans compter la création de fonds réservés à la promotion des arts, d’une chaîne de télévision publique culturelle (Canal 22), ainsi que des lieux de formation et de représentation consacrés au cinéma, à la photographie ou à la musique.
Ambassadeur du Mexique à Rome de 2001 à 2007, il est ensuite choisi pour diriger les préparatifs de la célébration du bicentenaire de l’indépendance et du centenaire de la révolution du Mexique, organisée en 2010. Un an plus tôt, ce passionné de littérature publie son premier roman, Paraíso es tu memoria (non traduit), inspiré de l’histoire de son grand-père, contraint à l’exil après la chute en 1911 du dictateur Porfirio Diaz. Ce dernier a constitué le thème central de ses recherches historiques qui ont fait l’objet de deux ouvrages, publiés en 2010 et en 2015.
D’une politique culturelle à une politique d’État. De retour à la tête de Conaculta, en 2012, Rafael Tovar y de Teresa n’a eu de cesse de valoriser la culture au sein du gouvernement. « Ma priorité est d’articuler une politique culturelle qui se convertisse en politique d’État », martelait-il à l’envi. Une mission réussie qui suscite les éloges unanimes des artistes et hommes politiques. Grâce à lui, le Mexique dispose de « l’infrastructure culturelle la plus vaste d’Amérique latine et du meilleur système de soutien à la création artistique du monde », s’est félicité le célèbre romancier Jorge Volpi.
L’une des réalisations majeures de Rafael Tovar y de Teresa reste le Centre national des arts (Cenart), ouvert en 1994 à Mexico. C’est dans cette institution prestigieuse consacrée à l’éducation, à la recherche et à la diffusion artistiques contemporaines, qu’un hommage lui a été rendu, lundi 12 décembre, à l’initiative du président Enrique Peña Nieto. « Rafael voulait que tous les Mexicains aient accès à un maximum d’expressions culturelles du monde entier », a salué le chef de l’État sans prononcer le nom de celui qui poursuivra son œuvre.
Frédéric SALIBA
Journaliste au Monde