« Le Venezuela, courageux, sera libéré ! », ont scandé des milliers de femmes en défilant samedi 22 octobre à Caracas, contre la suspension du processus référendaire qui vise l’impopulaire président Nicolas Maduro. Lundi 31 octobre, l’envoyé du Vatican, Mgr Claudio Maria Celli, a annoncé que le gouvernement du président Nicolas Maduro et l’opposition vénézuélienne s’étaient enfin mis d’accord sur un calendrier de discussions, afin de trouver une issue à la crise politique qui bloque le pays.
« Nous sommes prêtes pour la désobéissance civile (…). Nous allons faire face dans la rue et nous allons obtenir le référendum », a déclaré Lilian Tintori, épouse de Leopoldo López, figure de l’opposition de centre droit, actuellement emprisonné. « Aujourd’hui débute la nouvelle étape de la lutte contre la dictature, l’étape définitive », a écrit sur Twitter l’ancienne députée María Corina Machado, également proche de l’opposition. Vendredi 21 octobre déjà, des centaines d’étudiants sont descendus dans les rues de Caracas, pour demander la révocation du président socialiste, et l’opposition a appelé à une mobilisation dans tout le pays le mercredi 26 octobre. Cette nouvelle poussée de fièvre du pays sud-américain, où la crise politique se double de graves problèmes économiques, a été engendrée par l’annonce jeudi 20 octobre de la suspension de la collecte de signatures, étape préalable à l’organisation d’un vote pour ou contre le maintien de Nicolas Maduro à la présidence, poste qu’il occupe depuis 2013.
Opposition et gouvernement
crient au coup d’État
Une séance extraordinaire de l’Assemblée nationale s’est tenue le dimanche 23 octobre. Après une séance tendue liée à l’irruption de groupes pro-Chavez, l’Assemblée nationale du Venezuela (AN) a approuvé un accord pour « sauver l’ordre constitutionnel», à la suite de la décision du pouvoir électoral de suspendre la collecte des signatures qui devait activer le référendum révocatoire contre Nicolas Maduro. Le Conseil national électoral (CNE), que l’opposition accuse de collusion avec le gouvernement, avait évoqué des fraudes commises par l’opposition pour justifier la suspension… Le Parlement, majoritairement de l’opposition, a fait appel au droit de « révolte populaire » pour approuver l’accord. Cet accord comprend en outre une mise en accusation judiciaire de Nicolas Maduro, une dénonciation de l’Etat devant la Cour Pénale Internationale, la désignation de cinq recteurs et suppléants au Conseil National Electoral, et l’élection de nouveaux magistrats à la Cour Suprême de Justice. Le député de l’opposition, Freddy Guevara, a déclaré « L’heure est venue, pour le Venezuela, du changement, de la révolte populaire, de la descente dans la rue, jusqu’à la restitution de la démocratie et de la liberté ». L’opposition a également évoqué la double nationalité de Nicolas Maduro, de par sa mère à priori colombienne, qui lui interdirait d’exercer sa charge de président, selon la constitution. Elle promet d’en apporter sous peu des preuves « irréfutables ». Diosdado Cabello, numéro deux du régime, a immédiatement réagi aux initiatives de l’opposition : « Nous ne serons renversés sous aucun prétexte ». Lors d’une conférence de presse, M. Cabello a également jugé que les manifestations et la séance extraordinaire de l’Assemblée répondaient à un projet de « coup d’Etat » des opposants au régime.
Réactions extérieures de douze pays
de l’Organisation des États américains
Samedi 22 octobre, dans un communiqué diffusé par le ministère des affaires étrangères argentin, douze pays de l’Organisation des Etats américains (OEA), du Brésil au Chili en passant par le Mexique et les Etats-Unis, ont fait part de leur « profonde préoccupation » à la suite de la décision des autorités électorales de geler le processus référendaire. Le président du Pérou, Pedro Pablo Kuczynski (PPK), avait envoyé un message au peuple vénézuélien à travers les réseaux sociaux, et exhorté les femmes vénézuéliennes à participer à la marche organisée par Lilian Tintori le samedi 22 Octobre. Et le ministre des affaires Etrangères du Pérou a publié un communiqué disant que « sans vouloir interférer dans les affaires internes d’un pays frère, le gouvernement péruvien estime qu’au Venezuela est apparue une altération de l’ordre démocratique et constitutionnel qui viole les principes de la Charte démocratique interaméricaine (IDC), laquelle identifie comme éléments essentiels de la démocratie représentative l’exercice du pouvoir soumis à l’Etat de droit et la séparation et l’indépendance des pouvoirs ». Communiqué évidemment fort mal reçu par le Venezuela, qui a répliqué en exigeant le respect du Pérou et l’arrêt de ce qu’il considère comme une ingérence dictée par Washington.
Début de dialogue entre le gouvernement et l’opposition,
sous la houlette du Vatican et de l’Unasur
Lundi 31 octobre, l’envoyé du Vatican, Claudio Maria Celli, a annoncé que le gouvernement du président Nicolas Maduro et l’opposition vénézuélienne s’étaient enfin mis d’accord sur un calendrier de discussions, afin de trouver une issue à la crise politique qui bloque le pays. L’annonce a été faite à l’issue d’une rencontre entre des représentants de Nicolas Maduro et de l’opposition de centre droit. Le tout étant encadré par une médiation dirigée par le Vatican et l’Unasur. Une poignée de main entre le président Nicolas Maduro et le secrétaire exécutif de la MUD (Table de l’Unité Démocratique) Jésus Torrealba, a marqué cette première rencontre entre le gouvernement et l’opposition.Les discussions tourneront autour de quatre thèmes qui seront abordés par des groupes séparés, constitués « immédiatement ». Ces thèmes sont : « Paix, respect de l’état de droit et de la souveraineté », « Économique et social », « Vérité justice, droits humains, dédommagement des victimes et réconciliation », et « Établissement de la confiance et calendrier électoral ». Par ailleurs, lors de la lecture du communiqué, Claudio Maria Celli et Ernesto Samper, secrétaire général de l’Unasur et ancien président colombien, ont précisé qu’afin de parvenir à l’objectif fixé, « le gouvernement et l’opposition se sont engagés à réduire l’agressivitié dans le ton du débat politique« . Les différentes parties devraient donc se retrouver à Caracas le 11 novembre prochain. Les rencontres seront encadrées par un représentant du Vatican, et les ex-présidents Leonel Fernandez (République dominicaine), Jose Luis Rodriguez Zapatero (Espagne) et Martin Torrijos (Panama), en plus du secrétaire général de l’Union des nations sud-américaines (Unasur), Ernesto Samper.
Quels résultats ?
Nicolas Maduro se dit disposé à proposer des élections générales, mais pas avant la fin 2017. Ce pour tenter de freiner les efforts de l’opposition pour le démettre de ses fonctions, selon certaines sources. Une autre source a déclaré qu’un éventuel accord entre les deux parties pourrait également inclure la libération de certains prisonniers politiques, et la promesse de réduire les attaques et les restrictions que la Cour suprême chaviste a imposées à l’Assemblée nationale. Et effectivement, l’opposition vénézuélienne a annoncé ce lundi 31 octobre la libération de cinq prisonniers politiques, un jour après le début de la table de dialogue avec le gouvernement. En retour, l’opposition devrait abandonner son programme de destitution de Maduro, et classer l’enquête sur sa supposée nationalité colombienne qui, si prouvée, pourrait éventuellement conduire à une déclaration d’illégitimité de l’ensemble du gouvernement. Nicolas Maduro cherche de l’oxygène pour continuer de rester au pouvoir… et c’est précisément ce que redoute Freddy Guevara, de Volonté Populaire, l’un des plus grands partis politiques du pays.
Catherine TRAULLÉ