Ce 26 septembre 2016 est une date historique pour la Colombie : le gouvernement et la guérilla des FARC mettent officiellement fin à 50 années de guerre civile en présence de nombreux invités internationaux. Prochaine étape capitale : le referendum populaire d’acceptation ou de rejet des Accords.
Origines de la violence
Un rapport publié en août 2016 par le Réseau France Colombie Solidarité (RFCS) (1) rappelle que depuis les années 1950, la Colombie vit un conflit armé qui a fait 265.708 morts selon les chiffres officiels du gouvernement, dont 80% de civils. Plus de 46.000 personnes sont déclarées comme disparues et près de 7 millions de civils ont été déplacés de force. Le conflit est essentiellement né des injustices sociales – en particulier une répartition des terres qui ne profite qu’aux grands propriétaires – et du manque d’ouverture démocratique – le pouvoir restant entre les mains de l’oligarchie économique et politique. Les protestations se sont transformées progressivement en luttes armées. Les guérillas sont apparues dans les années 1960, dans le contexte de la Guerre froide et des processus révolutionnaires en Amérique latine. Face à leur montée en puissance, les grands propriétaires et les détenteurs du pouvoir ont créé des milices paramilitaires dont l’objectif initial était de contrer l’insurrection et d’éliminer les opposants, afin de protéger leurs intérêts. L’émergence du trafic massif de drogues dans les années 1970 à 1990 a généré une augmentation et une diffusion de la violence sur tout le territoire, face à un État impuissant et corrompu. Il reste aujourd’hui deux guérillas : la plus importante, les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), et l’ELN (Armée de libération nationale).
Un chemin semé d’embûches
Pour le Réseau France Colombie Solidarité, il apparaît clairement que les déplacements forcés, les assassinats sélectifs, les agressions envers les leaders sociaux ou communautaires, les journalistes, les syndicalistes et les défenseurs des droits humains, les violences faites aux femmes, les tortures et les mauvais traitements, ne cesseront pas du jour au lendemain avec l’Accord de paix. Ces exactions n’ont jamais été commises par les seules FARC ni uniquement dans le cadre du conflit armé. L’État colombien devra donc veiller à ce que le conflit ne se répète ou ne se transforme pas, et à ce que tous les crimes soient jugés. Ainsi, il devra trouver une issue rapide au processus de paix lancé le 30 mars 2016 avec l’autre guérilla toujours active, l’ELN. Il devra également démanteler définitivement les groupes paramilitaires qui sont toujours très actifs et menacent la paix sur les territoires. Enfin, il devra garantir le respect des droits de l’homme au sein de ses forces de police et militaires. Cet Accord ne fera pas non plus disparaître les intérêts liés aux trafics de drogues, sujet sur lequel la Colombie seule ne peut agir et qui doit donc être pris à bras le corps par l’ensemble de la communauté internationale. Cette dernière, au-delà du problème de la drogue, devra également veiller à ne pas alimenter de nouveaux conflits à travers la coopération, les politiques de libre-échange et l’investissement des entreprises, et contribuer au contraire à la pacification du pays. Le respect des Accords est la condition essentielle à leur réussite…
La cérémonie officielle de signature
Il aura fallu quatre ans de négociations entre le gouvernement du président Juan Manuel Santos et les FARC représentées par Rodrigo Londoño, alias ‘Timochenko’, pour arriver à la signature de l’Accord de paix. Les négociations ont eu lieu à La Havane soutenus par deux « garants », la Norvège et Cuba, et deux « accompagnateurs », le Venezuela et le Chili. L’ancien président Alvaro Uribe, viscéralement opposé aux FARC, avait demandé à la communauté internationale de ne pas assister à la cérémonie. Il n’a pas vraiment été entendu : étaient présents les présidents de quinze pays américains, les ministres des Affaires étrangères de 27 pays, le roi d’Espagne, plusieurs anciens présidents de pays divers et même l’actuel secrétaire-général des Nations unies, Ban Ki-moon et son prédécesseur Kofi Annan ! Sans oublier les nombreux dignitaires de toute l’Amérique, de l’OEA, de l’UE et les 2.500 invités colombiens, presque tous vêtus de blanc. Parmi eux, les représentants des associations de victimes de la guerre. La cérémonie s’est tenue dans la magnifique ville coloniale de Cartagena de las Indias, sur la côte caraïbe de la Colombie.
« Bienvenue en démocratie »
C’est avec ces mots que le président Santos a serré la main de Timochenko, scellant ainsi définitivement la paix en Colombie. La cérémonie était diffusée sur des écrans géants disséminés dans tout le pays. Et d’ajouter : « Ce que nous signons est une déclaration du peuple colombien face au monde comme quoi nous sommes fatigués de la guerre, que nous n’acceptons plus la violence comme moyen de défendre les idées… Finie l’intolérance qui nous obligeait à vaincre ou exclure l’autre pour le seul fait de penser différemment. Non à la violence qui a semé pauvreté et inégalités et retardé notre développement. Ceci est la clameur de la Colombie ! » En réponse, Timochenko fait une déclaration attendue depuis longtemps : « Au nom des FARC, je demande sincèrement pardon à toutes les victimes du conflit pour les dommages et la douleur que nous avons pu provoquer… Laissons de côté les haines, luttons contre la pauvreté, améliorons le système de santé, l’éducation… Que personne n’en doute : nous allons vers la politique sans armes ; préparons-nous à désarmer les mentalités et les cœurs… » Ban Ki-moon : « Aujourd’hui, les Colombiens disent adieu à des décennies de feu et envoient une lumière brillante d’espoir qui illumine le monde ».
Le referendum
Il reste une dernière procédure importante à réaliser : le 2 octobre prochain, le peuple est appelé à ratifier ou rejeter l’Accord de paix par un referendum national. Son but est de terminer la guerre et permettre aux membres des FARC de constituer un parti politique pour défendre leur cause dans le cadre des institutions. Le président Santos rappelle que si les accords étaient rejetés comme le demandent Alvaro Uribe, l’oligarchie et l’extrême-droite, la guérilla reprendrait les armes et la guerre recommencerait…
Jac FORTON
(1) Les deux premier paragraphes de cet article sont des extraits du rapport, qui est signé par les ONG suivantes : ACAT, École de la Paix, Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, CCFD-Terre solidaire, Entre Todos, Secours catholique, Mâcon Solidarité Colombie, Solidarité Laïque, Terre des Hommes France, PBI (Brigades de Paix International France), Teje. Sa coordination est due à Anne Boucher et Olivier Lagarde. SITE sur Facebook