Le Prix du public du festival Cinelatino de Toulouse avait récompensé El Acompañante de Pavel Giroud (Cuba). On comprend pourquoi en s’y intéressant de plus près : peinture de la société cubaine, interprétation poignante, récit d’une aventure humaine… Le tout à découvrir en salles en France dès le 17 août.
Photo : Allocine
En 1988 à Cuba, Horacio Romero, un boxeur tombé pour dopage, ne rêve que de combattre aux Jeux Olympiques ; Daniel Guerrero, ex-soldat et atteint du VIH, lutte contre la maladie dans un sanatorium où il est un patient réputé “difficile”. Ce double combat s’inscrit dans le contexte d’un troisième, la lutte que Cuba commence à livrer contre l’épidémie dans les années 80. A chacun son arme : les gants de boxe, la désobéissance au nom de la liberté, la réclusion au prétexte de la protection de l’individu et du collectif. Dans le but d’éviter la propagation de la malade et d’offrir les meilleurs soins, les patients sont internés et ne peuvent sortir qu’une fois par semaine, sous la surveillance d’un “accompagnateur”. Daniel et Horacio se retrouvent liés, de mauvaise grâce.
Les cinéastes cubains – même ceux qui travaillent au sein de l’institution – ne sont plus soumis aujourd’hui à l’exaltation, au triomphalisme qui était de mise pour leurs prédécesseurs. Le temps de l’hagiographie révolutionnaire est bel et bien terminé. “La santé publique et le sport sont deux étendards qui ont fait le prestige de la Révolution cubaine, déclare le réalisateur. Ils ont été les symboles de pureté et d’honneur, ce qui pour beaucoup a représenté une réussite qui vaut assurément tous les sacrifices et pénuries vécues par la nation pendant plus d’un demi-siècle. El Acompañante n’est pas un projet complaisant dans ce sens. Ce n’est pas un film qui met en avant les avancées de la santé publique ou les exploits sportifs. C’est une histoire qui s’avance dans des zones grises de la société et explore la condition humaine face à des situations extrêmes. C’est l’histoire de deux antihéros reliés par une même cause : se remettre d’une dure chute. Avoir recours à des faits passés pour expliquer les questions du présent est devenu une constante dans mon travail. Ce film n’est pas une exception”. Nous voyons le fonctionnement de cet hôpital, bien propre, qui garde les séropositifs avant qu’éventuellement, si leur état empire, on les envoie au mouroir d’à coté. Le film aborde le problème du dopage des sportifs et la contamination des soldats durant la guerre en Angola. De manière indirecte par la fiction, le film fait la lumière sur la situation politique de l’époque et la notion de marginalité.
Armando Miguel, acteur principal de Melaza et second rôle dans Chala, une enfance cubaine incarne le prisonnier malgré lui qui n’aspire qu’à être traité en citoyen digne en dépit de sa maladie, pour preuve, son obsession pour les portes fermées. Tour à tour insolent ou angoissé, toujours contenu, il s’affirme comme l’acteur-phare des productions indépendantes. Dans la peau du boxeur, Giroud a choisi le chanteur du groupe Orishas, Yotuel Romero, qui a également travaillé pour la télévision espagnole. Le film a quant à lui été projeté au Festival de la Havane mais n’est toujours pas sorti dans les salles cubaines.
Alain LIATARD*