Comme nous l’avons déjà signalé dans une précédente newsletter, le Festival d’Avignon a permis de découvrir une adaptation de 2666, le dernier roman de Roberto Bolaño. Cette adaptation-fleuve (le spectacle dure 11 h 30) mise en scène par Julien Gosselin, ainsi que ses suites, seront à Paris au Théâtre de l’Odéon à partir du mois de septembre. Mais il ne s’agit pas de la seule œuvre latino-américaine qui était représentée sur les planches de la Cité des Papes. Tour d’horizon des écrits nés outre-Atlantique qui ont inspiré troupes de théâtre et metteurs en scène pour le festival.
Photo : La Fabrique – Simon Gosselin
L’Amérique latine était également présente au Festival Off, avec quelques pièces, comme Luz, par la Cie Théâtre Les pieds dans l’eau (compagnie basée à Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques). Il s’agit d’une adaptation, par Violette Campo, du premier roman d’Elsa Osorio (A veinte años, Luz (1998) publié en France aux éditions Métailié en 2000 sous le titre Luz ou le temps sauvage. La pièce met en scène la question des enfants nés en captivité pendant la dictature argentine, et leur quête identitaire 20 ans plus tard. La pièce est organisée comme un va-et-vient entre présent et passé, et c’est la partie consacrée aux années 70 qui est la plus réussie : le jeu des jeunes acteurs (dans les rôles d’un tortionnaire, de sa copine – une ex-prostituée – et d’une guérillera qui va accoucher en prison) permet au spectateur de saisir les angoisses et les peurs de ces années de folie meurtrière. La longueur quelque peu réduite de la pièce (le format off exige des pièces de moins d’une heure trente) fait que la partie consacrée à la rencontre entre l’enfant et son père vingt ans plus tard donne un certain goût d’inachèvement. De même, les animations vidéo ne sont pas tout à fait réussies, mais la pièce reste un très bon moment de théâtre et le public a beaucoup apprécié.
De son côté, la Compagnie Zéphiro Théâtre présente la pièce Preuve d’amour, une adaptation de la pièce de théâtre Prueba de amor (1947) de l’écrivain argentin Roberto Arlt, enrichie avec des passages tirés d’autres œuvres d’Arlt. L’ambiance du Buenos Aires des années 30 est très bien reconstruite grâce à un décor très intelligemment agencé (avec l’écrivain en arrière plan et les textes qu’il tape à la machine se surimpressionnant sur une grande toile). Au devant de la scène, se joue une histoire d’amour qui pourrait être intemporelle, même si des éléments de la culture argentine de l’époque sont très présents, et notamment l’univers du tango-chanson avec ses thématiques classiques (la jalousie masculine, la misogynie…). La mise en scène de Rafael Bianciotto permet au trio d’interprètes (le couple et l’écrivain) de maintenir l’intérêt du public tout au long du (court) spectacle, même si les transitions entre les différentes scénettes de la pièce manquent parfois de fluidité.
Enfin, nous conseillons vivement de voir l’adaptation de Cahier d’un retour au pays natal du poète martiniquais Aimé Césaire. Cette production belge (La charge du Rhinocéros), mise en scène par Daniel Scahaise, permet à l’acteur burkinabé Etienne Minoungou de rendre accessible à tous un texte difficile, écrit dans une langue hautement poétique. Toute l’histoire de l’esclavage et de la colonisation passe par la voix et le corps d’Etienne Minoungou, et l’œuvre devient un chant à l’esprit de fraternité entre tous les êtres humains. Nous avons vu cette pièce dans la foulée de l’attentat de Nice et, face à ces tragédies à répétition, le message de Césaire apparaît encore plus juste et plus nécessaire que jamais.
Raúl CAPLAN