Le Chili en voie d’autoriser l’IVG sous certaines conditions

Totalement interdit depuis la dictature de Pinochet, l’IVG pourra être pratiqué en cas de viol, de malformation fœtale et de risque pour la santé de la mère. La Chambre des députés du Chili a voté le texte ce jeudi 17 mars. Il doit désormais être validé par le Sénat.

Avant la dictature militaire, en 1973, l’IVG était autorisée depuis cinquante ans en cas de fœtus non viable et de danger pour la santé ou la vie de la mère. Cette interdiction totale a été maintenue depuis le retour de la démocratie, en 1990, sous la pression de l’Église catholique.

Le 31 janvier 2015, la Présidente chilienne a déposé au congrès un projet de loi pour légaliser les interruptions de grossesse dans certains cas. Une décision historique dans ce pays très conservateur.

Michelle Bachelet, la Présidente socialiste, pédiatre de formation, revenue au pouvoir après avoir dirigé l’organisation d’ONU-Femmes, avait bataillé dur pour faciliter l’accès à la “pilule du lendemain”, lors de son premier mandat (2006-2010). Cette initiative lui avait valu d’être dénoncée par les secteurs de la droite chilienne devant le Tribunal constitutionnel. Pilule qui d’ailleurs reste encore difficile à obtenir.

Pour sensibiliser l’opinion et promouvoir ce projet de loi, Michelle Bachelet a réalisé un discours à la télévision nationale le 31 janvier dernier, date à laquelle elle a fait parvenir sa proposition au congrès chilien. “L’interdiction absolue met la vie de milliers de Chiliennes en danger. Les événements ont montré que la criminalisation de l’avortement ne stoppe pas la pratique. C’est une situation difficile et nous devons y faire face comme un pays mature”, a-t-elle expliqué. Celle-ci a poursuivi en disant que cette étape allait être difficile à franchir, mais qu’elle était nécessaire pour le pays : “Je sais que c’est un thème sensible. Nous sommes un pays divers où cohabitent différentes orientations religieuses, philosophiques et culturelles […] Nous avons besoin de renforcer les droits de la femme et en même temps maintenir et développer le dialogue politique. Je sais que les citoyens suivront de près le débat parlementaire et assumeront leurs rôles. Je demande aux parlementaires leur appui pour aller en avant dans ce projet, et je souhaite que le travail législatif se fasse dans un esprit de dialogue, d’ouverture et de respect mutuel”.

Lors de son allocution, Michelle Bachelet a également rappelé que l’avortement thérapeutique été légal de 1931 à 1989, avant que Pinochet ne l’interdise.  Ainsi, le Chili fait encore partie des 7 pays dans le monde à totalement interdire l’avortement. Un acte passible de cinq ans de prison.

Finalement, en août 2015, le Congrès chilien a approuvé un texte visant à dépénaliser l’avortement en cas de risque pour la vie de la mère, de malformation ou de grossesse due à un viol. Le sujet est particulièrement sensible, dans l’un des pays les plus conservateurs d’Amérique latine, où le divorce n’a été approuvé qu’en 2005, et où plus de 70 % de la population se déclarent catholiques.

La question de l’avortement dans les pays d’Amérique Latine et Centrale revient souvent dans l’actualité. Dans certains pays de cette région du monde, le conservatisme religieux est omniprésent et interdit les Interruptions Volontaires de Grossesse (IVG).

Avec cette législation, les femmes chiliennes pourraient mettre fin à leur grossesse dans les 12 semaines en cas de danger pour leur vie, de malformation du fœtus ou de viol. La date limite serait fixée à 18 semaines pour les filles âgées de 14 ans, car, selon la Présidente, ces dernières pourraient mettre plus de temps à se rendre compte de leur état.

Selon l’ONU, jusqu’à 70 000 avortements clandestins seraient pratiqués chaque année au Chili, la plupart dans des conditions précaires mettant en danger la vie des femmes.

Violée par un parent, enceinte d’un bébé non viable, une fillette de 13 ans n’a eu d’autre issue que d’aller au bout de sa grossesse au Chili. Son cas, et d’autres semblables dont celui d’une fillette de 11 ans, enceinte après avoir été violée par son beau-père, ont ému l’opinion publique chilienne et relancé le débat sur une légalisation partielle de l’avortement.

En 24 ans de démocratie et sous la pression de l’Église catholique et de groupes conservateurs, aucune initiative juridique pour le rétablir n’avait abouti. Aujourd’hui, plus de 70 % des Chiliens approuvent l’avortement thérapeutique, selon les sondages.

La perte d’influence de l’Église catholique après des cas de pédophilie impliquant des prêtres influents, une population mieux informée et une activité sexuelle plus précoce expliquent ce changement, explique une militante des droits des femmes.

Cette grande avancée dans les droits des femmes marquera ce deuxième mandat de la présidente socialiste qui a traversé d’autres dures épreuves. Espérons que le Sénat chilien réputé conservateur validera cette loi.

Olga BARRY

Photo (CC) : ONU Femmes, Michelle Bachelet, conférence “Femmes, santé et développement”, 13 décembre 2011, Paraguay.