Au Honduras, Berta Cáceres, une dirigeante indigène qui défendait les droits de l’ethnie lenca contre des entreprises hydrauliques, a été assassinée jeudi dernier dans sa maison, à 200 kilomètres de la capitale Tegucigalpa. Elle avait lutté contre plusieurs projets de barrage, menés par des entreprises honduriennes et internationales.
Berta Cáceres était la coordinatrice du Conseil des organisations des peuples indigènes du Honduras (COPINH), une organisation qui regroupe les communautés lencas, la principale ethnie du pays. Le 3 mars dernier, vers minuit, les assassins forcent la porte arrière de sa résidence pourtant située dans un lotissement gardé, exécutent la dirigeante et blessent le sociologue mexicain Gustavo Soto, membre du M4 (Mouvement méso-américain contre le modèle minier extractiviste) avec qui elle préparait un forum sur les énergies alternatives.
Comme coordinatrice, elle avait entrepris de lutter pour la défense de la vallée du río Gualcarque et plus récemment du río Blanco, dans le département de Santa Barbara, où une compagnie projetait de construire un barrage qui menaçait de laisser les communautés lencas sans eau. En 2015, pour sa lutte de la défense de l’environnement, elle avait reçu le Prix Goldman de l’environnement connu comme le Prix Nobel Vert. Pendant son discours de remerciement, Berta Cáceres avait déclaré : “Ils me suivent. Ils menacent de m’enlever, de me violer, de me tuer. Ils menacent ma famille. Voilà à qui nous sommes confrontés”.
Elle avait en effet reçu plusieurs menaces de mort de la part de grands propriétaires terriens et d’entreprises minières et hydrauliques pour sa défense des droits des communautés lencas et éviter qu’elles soient expulsées de leurs terres. Entre 2002 et 2014, 111 activistes de l’environnement ont été assassinés au Honduras, 80 ces trois dernières années (1).
Contre le barrage de Agua Zarcae
Ce projet de barrage, octroyé en 2012 à l’entreprise hondurienne Desarrollos energéticos (DESA), reçoit le soutien du chinois Sinohydro et de la Corporation financière internationale (CFI) qui dépend de la Banque mondiale. Les Lencas dénoncent immédiatement un contrat qui “donne les ríos aux entreprises privées pendant 30 ans !” Ils se mobilisent : blocages de routes, manifestations, recours divers. Fin 2013, Sinohydro met fin à sa participation “pour cause de résistance communautaire continue”. La CFI retire sa participation financière “préoccupée par les violations aux droits humains”.
Depuis, les menaces de mort contre Berta se sont accumulées. Le gouvernement hondurien avait alors reçu une injonction de protection de la dirigeante de la part de la Commission inter-américaine des droits humains (CIDH). Deux policiers avaient été chargés de sa protection mais, au moment du crime, ils étaient absents. Selon le gouvernement, Cáceres avait déménagé sans les prévenir, ce qui est faux. De plus, elle résidait dans un lotissement fermé accessible seulement à travers un poste d’entrée surveillé par un gardien armé.
Devant l’importance des réactions nationales et internationales (Nations unies, Organisation des États Américains et même James Nealon, l’ambassadeur des États-Unis au Honduras), le président hondurien, Juan Orlando Hernández, a déclaré : “Ce crime est un crime contre le Honduras, contre le peuple hondurien. Il ne restera pas impuni…”. Il semble que trois personnes aient été arrêtées mais les Lencas dénoncent le gardien du lotissement et un membre du Copinh, utilisé comme bouc émissaire et accusé “d’avoir commis un crime passionnel”. Pour Berta Flores, la mère de Bertita, “la police dit que ce sont des voleurs qui ont été surpris et ont tiré mais tout le monde sait qu’elle a été exécutée”. Il y a quelques jours, quatre membres de l’association avaient déjà été assassinés.
Le principal argument des Lencas dans la défense de leurs communautés est que l’article 169 de l’OIT, Organisation internationale du travail, ratifié par le Honduras, oblige les États à consulter les communautés indigènes pour tout projet ayant lieu sur leurs terres. Les Lencas n’ont bien sûr jamais été consulté sur rien du tout !
Depuis le coup d’État de 2009 contre le président centriste Mel Zelaya, le Honduras est dominé par la droite néolibérale dure qui est favorable aux transnationales. Depuis, des responsables paysans, des syndicalistes, des journalistes et des dirigeants d’associations de défense des droits humains sont régulièrement assassinés dans ce pays.
Jac FORTON