Dans une semaine s’ouvre l’un des plus grands rassemblements cinématographiques autour du court-métrage, le festival de Clermont-Ferrand. Il réunit un public varié, les professionnels côtoyant les amateurs, afin de découvrir la compétition nationale ainsi que la compétition internationale. Si la compétition nationale est riche, avec près de 1700 films inscrits, la compétition internationale n’est pas en reste, puisque cinquante pays sont représentés. Parmi eux, l’Amérique latine occupe une place de choix, avec plus de 10 courts-métrages proposés par les meilleurs réalisateurs du moment.
Des courts-métrages latinos-américains qui explorent, comme ceux des éditions précédentes, les thématiques sociales : familles en rupture, jeunes en mal d’avenir, galères du quotidien, immigration… Virginia Urreiztieta s’impose dans le thème de la famille avec la fiction Panorama. Hanali, une petite fille de neuf ans, vient de perdre sa mère. Avec son père, elle se rend dans un petit village où elle rencontre Rosa, une mère qui a perdu son enfant. Sous le poids du chagrin, le fantasme prend le dessus et unit ces deux êtres qui aspirent à retrouver un bonheur perdu. Un drame dur sur la perte d’un être cher.
Sur le même thème de la famille, Polski de Rubén Rojas Cuauhtemoc explore les liens entre la famille en racontant l’histoire de Yoemil et sa relation avec son père. Ce jeune Cubain hérite de la vieille Fiat Polski de son père. Il fait des pieds et des mains pour la remettre en état, car il est désireux de faire revivre une relation père-fils qui n’a jamais vraiment existée et qu’il croit pouvoir faire revivre par cette voiture.
Amazonas, sorti en 2015, évoque quant à lui le problème de l’immigration et ses délusions. Celestino quitte les Andes pour le Brésil dans l’espoir d’un meilleur avenir professionnel, mais il se retrouve coincé à la frontière, où il doit travailler dans une laverie. Cette captivité lui apprend la vraie valeur de la liberté. Carlos Pineiro traite ce sujet par une image qui oscille vers le noir et blanc et en utilisant des gros plans qui permettent de faire partager au public le désarroi de ce jeune émigré.
Et si la vie réserve des peines, elle réserve aussi du rire et des joies avec des comédies comme celle des péruviens German Tejada et Daniel Martin Rodriguez. Leur court-métrage, El Hueco, raconte les péripéties de Robert qui souhaite acquérir la tombe à côté de celle de sa femme et qui découvre que celle-ci a déjà été achetée par quelqu’un d’autre. S’ensuit alors une quête rocambolesque pour parvenir à récupérer cette tombe et pouvoir ainsi passer l’éternité à côté de sa dulcinée.
Le rire sert également à évoquer des sujets plus graves, comme la maladie d’Alzheimer. Dans le premier film d’Alvaro Anguita, Las Cosas Simples, sorti en 2015, Penélope trouve une drôle de façon de s’occuper de sa mère atteinte de cette maladie dégénérative : elle kidnappe Ulises, un vieil homme indigent qui a lui aussi perdu la mémoire et elle le convainc qu’il est son père pour qu’il s’occupe de sa « femme ».
La maladie, un sujet qui se retrouve également en filigrane du film de Diego Acosta, dans Huaso Chileno. Le jeune réalisateur filme Mauricio, un vieux chilien qui fut hippie dans sa jeunesse. Aujourd’hui propriétaire, il a gardé un peu de l’esprit de sa jeunesse : il préfère boire et fumer de l’herbe plutôt que de s’occuper de son domaine, une manière de vivre qu’il évoque dans des plans à l’ambiance psychédélique.
Le Brésil s’engouffre dans cette ambiance psychédélique et étrange avec l’Auto Copa Park de Joao Atala, réalisé en 2015. Le spectateur suit la soirée surnaturelle de Marcos, employé du parking Auto Copa Park. Une voiture qui démarre seule, des apparitions et de belles femmes dans un décor nocturne qui rappelle le Fight Club de David Fincher. Ayant travaillé pendant quinze ans comme directeur de la photographie, Joao Atala ne pouvait proposer qu’un film à l’esthétisme léché.
Carlos Segundo, compatriote de Joao Atala, crée une atmosphère presque inquiétante pour sa fiction Ainda Sangro Por Dentro, reposant sur la thèse qu’il existe des douleurs qui vous transpercent le corps mais que les yeux ne peuvent déceler.
Argentine, Costa Rica et Chili se côtoient dans le court métrage de Sofia Quiros Ubeda, Entre la Tierra. Marta, femme solitaire vit seule dans la même maison depuis toujours. Lorsqu’une jeune femme s’installe dans sa maison, un étrange rituel s’installe entre elles. Un rituel que le public découvre par une photographie à la fois sombre et esthétique.
Le Mexique offre une fable presque paradoxale avec Mil capas de Tess Anastasia Fernández Massieu puisque le personnage principal, María est allergique au soleil. Elle s’occupe d’un parc aquatique, une entreprise familiale qu’elle partage avec sa tante, Tita, dans un film qui n’a rien d’ensoleillé. Une lueur d’espoir cependant : elle tombe amoureuse de Leonardo, le prof d’aérobic aquatique, qui lui fait oublier sa maladie pendant un temps. Dans un autre genre, l’enquête du film colombien Forastero d’Ivan Goana. Depuis la fermeture de son restaurant, Leonidas Pinzon passe son temps à jouer au billard. Un jour, la police lui demande d’héberger un inconnu. Mais les soupçons commencent à peser sur son hôte lorsque la région est frappée par une série de meurtres.
Si la fiction est très présente, le festival a tout de même sélectionné un documentaire. Il s’agit du documentaire de Ruben Guzman, La indiferencia del viento. Ce court-métrage livre le portrait de l’existence simple de Don Roberto Yanez (1929-2014) dans les steppes de Patagonie, à travers un film poétique et contemplateur. Tous ces courts-métrages, venant de presque tous les pays de l’Amérique latine montrent que la création cinématographique latino-américaine se porte bien et le prouve durant ce festival, à découvrir dès le 5 février.
Victoria PASCUAL