Après une tournée européenne qui l’a mené en Irlande, en Italie et en Allemagne, le président bolivien Evo Morales Ayma a été reçu par l’Université et la mairie de Pau avant d’être l’hôte de l’Élysée où il a présenté le Livre de la Mer, un litige entre son pays et le Chili, et signé plusieurs accords de coopération avec la France.
Un agenda serré à Pau
Le 7 novembre au matin, Evo Morales est reçu à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour pour y recevoir le titre de Docteur Honoris Causa des mains du recteur pour “son engagement envers les droits humains, la reconnaissance historique des cultures indigènes, l’éradication de l’analphabétisme et son soutien au développement de l’éducation supérieure publique, ainsi que pour son combat démocratique et sa proposition d’une nouvelle alternative du Buen Vivir, le Bien Vivre (1).”
Le recteur de l’Université fait remarquer que “pour nous, l’expérience bolivienne constitue un modèle en ce qui concerne le respect de la diversité des peuples et de l’échange entre les cultures, le respect mutuel, la justice et l’égalité…” En réponse, le président bolivien signale que “ce titre est comme un message des mouvements sociaux qui émergent, s’organisent et libèrent leurs peuples”. Le président Morales était accompagné par l’ambassadeur de Bolivie en France, Jean-Paul Guevara.
Il s’est ensuite rendu au village Emmaüs de Lescar-Pau pour l’inauguration de la Maison de l’Amérique latine construite par les compagnons d’Emmaüs pour accueillir les archives de la collection de l’universitaire Jean Ortiz, spécialiste de l’Amérique latine (1). Ortiz et José Bové avaient reçu le député Morales en 2002 dans le cadre du festival Culturamérica (2). Evo Morales a ensuite inauguré la place de l’État plurinational de Bolivie dans le parc. Dans l’après-midi, il a été reçu par François Bayrou, maire de Pau, pour recevoir les clés de la ville et signer le livre d’or de la ville.
Le président bolivien est arrivé lundi 9 novembre à l’Élysée avec deux objectifs : expliquer la position de la demande bolivienne d’ouvrir des négociations avec le Chili pour un accès à la mer et obtenir le soutien de la France, et signer des accords bilatéraux dans les domaines de la défense, des énergies renouvelables, du tourisme et du développement.
Accès à la mer
Suite à la défaite lors de la guerre du Pacifique avec le Chili (fin du 19e siècle), la Bolivie s’est vue amputée d’une grande partie de son territoire dont ses 400 kilomètres de côtes Pacifique. Depuis plusieurs dizaines d’années, le pays demande au Chili de négocier un accès direct à la mer. Le Chili, estimant que les traités de 1904 et 1929 entre les deux pays ont résolu la question, la Bolivie a déposé devant la Cour internationale de justice de la Haye (CIJ), un Livre de la mer exposant ses positions. Le Chili estimait que la Cour n’était pas compétente mais elle a déclaré en septembre dernier que la requête de la Bolivie rentrait bien dans ses compétences. ette affaire prendra certainement plusieurs années pour se résoudre…
Le Livre de la mer a été remis au président Hollande qui a, lors d’une conférence de presse, manifesté que “la France n’a qu’un seul mot, un seul principe, qui est le dialogue et plus de dialogue”, ce que Morales a considéré comme un soutien de la France à la Bolivie.
Accords de coopération
Présence en Bolivie de l’Agence française pour le développement : Selon le nouvel ambassadeur français en Bolivie, Denys Wibaux, l’AFD (3) accordera à la Bolivie un crédit de 400 millions de dollars à des conditions avantageuses : bas taux d’intérêt et pas de conditions sur son utilisation (souvent les prêts d’État à État se caractérisent par l’obligation du pays récepteur d’acheter dans le pays créditeur, ce qui n’est pas le cas ici). Cela devrait attirer l’intérêt d’investisseurs français, plutôt frileux lors de la première élection du président indigène aymara de Bolivie.
Tourisme : Comme le décrit le communiqué de presse de la Présidence, dans le contexte d’un marché touristique en forte croissance, l’expertise française en matière de mise en valeur du patrimoine et de la muséographie ainsi que l’organisation de grands événements sportifs (Jeux Panaméricains en Bolivie en 2018) sera précieuse. Ainsi, l’entreprise Thales a été désignée pour la préservation et la valorisation du site de Tiwanaku dans les hautes Andes.
Technologie : L’entreprise Thales fournira des radars civils et militaires à la Bolivie.
Énergies renouvelables : Le président Morales reviendra en France pour la COP 21 en décembre où il apportera une contribution importante sur le respect de la Pachamama, la Terre-Mère, pour un développement harmonieux plus orienté vers la complémentarité et la coopération que vers la compétitivité.
L’événement a malheureusement été peu couvert par les grands médias français hormis le journal Sud-Ouest, qui a suivi toutes les activités du président bolivien à Pau (4).
Jac FORTON
(1) Lire le livre « Le Buen Vivir. Pour imaginer d’autres mondes » de l’économiste équatorien Alberto Acosta, éditions Utopia, France, 186 pages, 12 €.
(2) Site du festival Culturamérica
(3) L’AFD, présente dans 60 pays, est une institution financière bilatérale de développement dépendant de l’État français.
(4) Retrouvez les articles du journal Sud-Ouest ici et là.