Guitariste de flamenco virtuose, Paco de Lucía, décédé en février 2014, a connu un succès et une reconnaissance planétaire, tout particulièrement en Amérique latine. Son fils, Curro Sánchez Varela, a réalisé le documentaire Paco de Lucía, légende du flamenco, un hommage vibrant en salle ce 28 octobre.
En 2010, Curro Sánchez Varela entreprend le tournage de ce film sur son père, virtuose de la guitare. Mais celui-ci meurt deux jours avant la fin du tournage. Il explique que “le tournage a débuté alors que mon père était encore vivant, plein d’énergie et de projets, et c’est sur quoi il porte. J’ai eu par la suite l’immense tristesse et la responsabilité de le terminer sans lui. Sa mort, imprévisible, a indubitablement affecté la structure du film. Mais j’ai cherché à garder le ton qui le caractérisait si bien : le charisme, sa proximité naturelle avec les gens, l’honnêteté et cette sagesse qu’il invoquait dans chacune de ses interventions.” Curro a voulu montrer “un reflet joyeux et optimiste de l’histoire de sa vie.” Le film montre des extraits des concerts de Paco de Lucía, ses rencontres avec d’autres musiciens, ses confidences devant sa maison à Majorque, et sa façon de travailler.
Né le 21 décembre 1947 à Algésiras (province de Cadix), Francisco Sánchez Gómez de son vrai nom, vivait à Palma de Majorque mais a parcouru le monde entier. La famille de Paco de Lucía était pauvre. Il a appris la guitare avec son père qui n’était pas gitan. Avec ses deux grands frères, Ramón et José, il se produit pour aider ses parents. Ramón et Paco sont à la guitare, José (dit Pepe) au chant. Plus tard, c’est en l’honneur de leur mère Luzia Gomes, danseuse de flamenco d’origine portugaise que Paco et José choisissent “de Lucía” comme nom de scène tandis que Ramón préfère “de Algeciras” en référence à sa ville d’origine.
Paco de Lucía commence sa carrière à l’âge de 14 ans, engagé comme guitariste pour la compagnie de danse José Greco. En tournée aux États-Unis, il croise Mario Escudero et Sabicas, deux guitaristes espagnols de renommée qui l’encouragent à mener une carrière de soliste. Il enregistre son premier disque en 1965. Puis Paco de Lucía forme un duo célèbre avec le chanteur Camarón de la Isla, né dans la province de Cadix, rencontré à Madrid en 1968. Ensemble, ils enregistrent neuf disques de 1969 à 1977, avant que Paco de Lucía cède sa place à l’un de ses étudiants, Tomatito. En 1975, année de la mort de Franco, Paco connaît un grand succès commercial avec une rumba : Entre dos Aguas. Comme le disait Francis Marmande dans Le Monde, “Il est le seul guitariste flamenco à avoir étendu son champ d’expérience, son succès, son public, sans y laisser son âme. Le jazz avait changé son regard, pas sa musique ».
Sa technique fascinante l’a fait intégrer le trio (guitares acoustiques) de John McLaughlin et Al Di Meola. Il a également rencontré Larry Coryell, Carlos Santana et Egberto Gismonti. Au début, leur aisance d’improvisation l’a effaré. Parallèlement à son association avec Al Di Meola et John McLaughlin, Paco de Lucía mélange le flamenco avec la musique indienne, la salsa, la bossa-nova, la musique arabe. Il fonde également un groupe avec ses frères, le chanteur Pepe de Lucía et le guitariste Ramón de Algeciras, et introduit des instruments et des rythmiques sud-américaines – avec un cajon péruvien notamment. Il adapte aussi plusieurs thèmes du compositeur espagnol Manuel de Falla. Comme le dit le jury Prix Prince des Asturies en 2014 “à partir de la guitare flamenco, il a aussi exploré le répertoire classique espagnol, d’Isaac Albeniz à Manuel de Falla, l’émotion de la bossa-nova et du jazz. Tout ce qui peut s’exprimer avec les six cordes de la guitare entre ses mains.”
Paco de Lucía a été pris d’un malaise, le 25 février 2014, alors qu’il jouait avec ses enfants sur une plage de Cancún au Mexique, où il possédait une maison. Il meurt sur le chemin de l’hôpital. Le film a obtenu le Goya du meilleur documentaire espagnol 2015. Il sort ce mercredi 28 octobre.
Alain LIATARD