Avec un premier roman traduit en français, Daniel Quirós nous emmène sur les traces des héros et malfaiteurs de la dictature argentine de Videla. Ce polar où la confusion entre fiction et réalité peut surprendre le lecteur reste néanmoins un succès littéraire. Le jeune auteur est déjà bien connu en France, notamment par sa présence à la dernière édition des Quais du Polar à Lyon.
Soleil écrasant, chaleur torride, poussière, voilà l’été caniculaire qui s’est abattu sur la province du Guanacaste, au Costa Rica et sur le village de pêcheurs de Paraíso. Don Chepe, ancien guérillero au Nicaragua voisin, jeune retraité des Assurances, va se transformer en détective pour trouver l’assassin de son amie, l’Argentine. Ce faisant, il plonge dans le passé, de la dictature de Videla en Argentine à la révolution sandiniste, et des contras aux attentats et crimes qui semblent relever de la pure vengeance, même trente-cinq ans plus tard.
En effet, l’assassinat d’Ilana Echeverri retrouvée à genoux dans le sable de la plage, une balle dans la nuque ressemble bien à une exécution. Don Chepe décide de retrouver l’assassin. Or l’Argentine lui a laissé des indices un peu énigmatiques, des articles de journaux de Buenos Aires 1977, de vieilles photos dont une datée de 1979 à Managua, et une petite clé mystérieuse.
Aidé par un policier local, il va remonter toutes les pistes, sera agressé par des loubards, découvrira l’existence d’un certain Gandini, guérillero argentin passé ensuite au Nicaragua avec sa compagne de lutte Echeverri. Il sera question d’un attentat en 1984 contre Pastora, comandante zéro déçu passé aux contras, d’un journaliste suédois qui revient témoigner vingt ans plus tard sur cet attentat et qui racontera tout à Don Chepe.
La narration est classique avec tous les ingrédients du polar, les dangers, le suspense, les coups de théâtre et la grande scène finale, duel dans une maison isolée. Il y a aussi l’évocation politique et historique des périodes troubles des années 80, le passé du pays voisin, le Nicaragua avec la révolution sandiniste et la lutte des contras et de la CIA.
Le seul bémol à cette évocation, c’est que l’auteur utilise des faits réels en gardant certaines identités comme celle de Pastora et en changeant les noms de lieux pour l’attentat de 1984, les patronymes pour l’ex-révolutionnaire argentin responsable de cet attentat, pour le journaliste suédois. Or le destin de ces deux personnages sera tout à fait fictif dans le roman, puisqu’ils seront en contact avec Don Chepe qui lui n’existe pas dans la réalité historique. Cela crée un peu de confusion, à ce point que l’auteur justifie ses choix par une note finale dans la version française.
Dernier aspect très intéressant, c’est le côté sociologique avec la description amère de la côte Pacifique défigurée, victime de la mondialisation, du tourisme de masse, des promoteurs et du profit. Y règne aussi une certaine violence due à la drogue et à la délinquance. Voilà donc un jeune écrivain prometteur, et son Été rouge nous laisse un peu estourbis par la chaleur, les bières ingurgitées, les cigarettes fumées par les protagonistes et surtout le grand pouvoir de suggestion de son écriture.
Louise LAURENT