Dans ce nouveau roman du Brésilien Edyr Augusto, le lecteur va littéralement plonger dans la cruauté et la violence d’un gouverneur de l’État de Pará, corrompu, chef de tous les trafics, tenant d’une main de fer police, justice et presse et face à lui, l’implacable détermination à le faire plonger d’une jeune femme, Isabela qui doit se venger de ses exactions.
Il s’agit bien d’une jeune femme obstinée, courageuse et prête à tout pour monter un plan machiavélique qui fera tomber Wlamir Turvel, responsable dans le passé de la chute et de l’humiliation de toute sa famille pour obtenir de force la scierie de ses parents. Devenue adulte, elle va approcher Turvel par le biais de la prostitution, et nous assisterons, racontées par le menu, à toutes les étapes d’initiation au métier, puis à la progression de sa carrière, et enfin à la réalisation de la dernière étape pour tenter de détruire Turvel dans la période politique complexe de sa réélection.
Autour d’Isabela, l’héroïne, il y a un frère, Fred, vivant aux États-Unis avec une star du rock, Pat, qui fera éclater le scandale dans une conférence de presse internationale ; il y a le journaliste téméraire qui n’a jamais cédé à la peur ni au chantage ; il y a le petit comptable effacé, discret, qui va se révéler prêt à donner sa vie pour Isabela ; il y a le bras droit de Turvel, Jamelotti, trempant dans toutes les compromissions ; il y a l’horrible colonel Silva, chef de la police militaire ; et il y a beaucoup de sang, beaucoup de morts, et parmi eux, beaucoup d’innocents.
Ce qui rend ce récit original et intéressant, c’est le style coup de poing, les phrases courtes, le vocabulaire précis, cru et réaliste, et la construction : on part d’un présent, très mystérieux pour le lecteur, le meurtre de toute une famille, suivi immédiatement de l’assassinat des tueurs, et peu à peu, par chapitres intercalés, et saupoudrés des retours en arrière nécessaires sur le passé ancien ou récent des personnages, on avance dans le présent qui suit ce meurtre et tout s’éclaire peu à peu. Tout s’imbrique de façon magistrale pour faire sens, le lecteur a toutes les réponses aux questions qu’il peut se poser, et reconstitue sans effort l’ensemble du puzzle.
Contrairement aux personnages de Moscow pour lesquels on ressentait de l’empathie, ici, et c’est sans doute voulu par l’auteur qui marque une certaine distance avec ses personnages et son récit par un style froid de médecin légiste, on ne ressent pas beaucoup de sympathie pour Isabela ni pour aucun des personnages, mais on est pris par le rythme soutenu, les surprises, l’accélération finale et le suspense maintenu jusqu’au bout. Habile manipulateur, Edyr Augusto livre les renseignements nécessaires comme il le veut. Tantôt le lecteur a de l’avance sur les personnages et connaît des détails importants pour la suite du récit, tantôt il détient peu d’informations et doit patienter. Mais tout lui sera révélé.
Voilà donc un bon roman vraiment noir, tous les ingrédients et les codes du genre sont parfaitement maîtrisés et poussés à leur paroxysme, laissant un goût amer de sang et l’image d’un monceau de cadavres.
Louise LAURENT
Nid de vipères d’Edyr Augusto, traduit du portugais (Brésil) par Diniz Galhos, éditions Asphalte, 151 pages, 15 euros.