En cette 65e Berlinale, quatre Latino-américains ont été récompensés. Ce palmarès met à l’honneur les productions du continent en lui redonnant un rayonnement international. L’Ours d’argent a notamment été remis au Chilien Pablo Larraín pour son dernier film El Club. Le cinéma latino n’a pas fini de nous surprendre !
L’Ours d’or a été attribué au film Taxi qui montre la vie quotidienne de Téhéran vue de l’intérieur d’un taxi. Réalisé par le dissident iranien Jafar Panahi qui n’a pu venir chercher son prix puisqu’il est interdit de tournage et de sortie d’Iran.
L’Ours d’argent et grand prix du jury a été attribué à El Club de Pablo Larraín, le réalisateur chilien âgé de 38 ans, connu pour ses films Tony Manero en 2008 et No en 2012. Le film raconte l’histoire d’un groupe de curés au passé obscur envoyés dans une maison « d’oraison et pénitence » sur la côte chilienne. « Beaucoup de gens tuent au nom de Dieu et j’espère que cela va se terminer » déclara-t-il en recevant sa statuette pour ce film qui met à nu la responsabilité silencieuse de l’Église catholique.
Son compatriote Patricio Guzmán, âgé de 73 ans, reçoit lui aussi un Ours d’argent pour le scénario de son documentaire El botón de nácar. Il filme de superbes paysages de Patagonie avec ses volcans, ses montagnes et ses glaciers, et montre une vision cosmique de l’eau comme élément vital de l’univers. L’arrivée de l’homme blanc rompt la communion avec la nature et cette liaison avec la mer. Guzmán dénonce le génocide des indigènes ainsi que les crimes de la dictature de Pinochet dont de nombreux disparus furent jetés à la mer. « Je m’intéresse beaucoup à la géographie du Chili, a-t-il déclaré en recevant le prix, et je crois que l’on peut faire des métaphores à partir des éléments physiques ». Le film a obtenu aussi le Prix œcuménique.
Pour la première fois en 65 ans de Berlinale, un film guatémaltèque est sélectionné en compétition officielle. Ixcanul, le premier long métrage de Jayro Bustamante, explore la vie d’une ethnie maya et la difficulté d’être une femme. Ours d’argent spécial Alfred-Bauer, il fut tourné sur les pentes du volcan Pacaya. Ixcanul (« volcán » en langue cakchiquel) raconte l’histoire de Maria, une jeune fille de 17 ans, et sa traumatisante entrée dans la vie adulte. Il aborde aussi le thème des bébés enlevés à la naissance. « Il m’intéressait de montrer les éléments qui permettaient de se convertir en victime parfaite du vol d’enfant, explique-t-il à l’AFP, comme être une femme indigène, non mariée ».
Le quatrième gagnant latino-américain est le Mexicain Gabriel Ripstein pour 600 Millas présenté au Forum. Il obtient le Prix du premier long métrage pour cette histoire de trafic d’armes entre les États-Unis et le Mexique. Gabriel Ripstein a dédié son film à son père le cinéaste Arturo Ripstein, né en 1943 et auteur d’une trentaine de films dont L’empire de la fortune (1986), La femme du port (1991), Carmin profond, (1996), Pas de lettre pour le colonel, (1999). Interprétée par Tim Roth, Kristyan Ferrer et Noé Hernández, la trame de 600 Millas oppose un jeune Mexicain qui fait du trafic d’armes et un agent états-unien. Le film aborde la relation complexe et antagoniste entre les deux pays. À la conférence de presse, Gabriel Ripstein déclare que, sans vouloir mettre d’étiquettes, les relations entre les deux pays sont par définition « déséquilibrées ». « Je ne suis pas un cinéaste politique, mais un conteur d’histoires», ajoute-t-il.
D’autres récompenses ont été attribuées à Berlin : le prix du public de la section Panorama et celui de la Confédération des Cinémas Art et Essai sont allés à Que Horas ela Volta, d’Anna Muylaert (Brésil), qui parle d’une domestique dans une résidence bourgeoise.
Et pour finir, les trois Teddy consacrés à des thématiques homosexuelles ont été attribués à des films chiliens: au long métrage Nasty Basty de Sebastián Silva (États-Unis/Chili), au court San Cristóbal de Omar Zúñiga (Chili) et au documentaire El hombre nuevo de Aldo Garay (Uruguay/Chili).
C’était une quarantaine de films latinos qui ont été présentés à la Berlinale du 5 au 15 février. Le prochain Festival de Cannes aura des difficultés à faire mieux.
Alain LIATARD, d’après la presse latino-américaine.