En reconduisant le président-candidat Juan Manuel Santos et grâce à l’apport des voix de gauche, les Colombiens ont choisi la paix plutôt que la prolongation de la guerre exigée par le candidat perdant, Óscar Iván Zuluaga.
Ce fut une remontée spectaculaire. Perdant le premier tour des élections présidentielles par plus de 500 000 voix, le président Juan Manuel Santos a gagné le second tour par plus de 800 000 voix ! Résultat final : Santos 50,9 %, Zuluaga 45 %. L’explication réside dans l’apport des voix des partis de gauche. Clara López et le maire de Bogota, Gustavo Petro du Parti Polo Democrático avaient ouvertement appelé leurs membres à voter Santos “pour sauver les négociations de paix” avec la guérilla des FARC. L’ancienne sénatrice Piedad Córdoba, leader de la Marcha Patriótica (plus connue à l’étranger pour son rôle dans la libération de plusieurs otages des FARC), le Parti Union Patriotique et les Verts avaient également laissé entendre que pour en finir avec la guerre, il fallait voter Santos. Celui-ci a bien sûr aussi reçu un soutien à droite avec le petit Parti Conservateur.
La capitale a ainsi voté Santos, confirmant le dicton qui veut que “qui gagne dans la capitale gagne les élections”…
Si le candidat perdant, Óscar Iván Zuluaga a reconnu sa défaite, son maître à penser et chef du Parti Centre Démocratique, l’ancien président Álvaro Uribe, a accusé Santos de “fraude, abus de pouvoir, corruption et malversation !” L’agressivité démesurée du camp Zuluaga est d’ailleurs considérée comme l’un des facteurs de sa défaite.
Dans son discours de remerciements aux électeurs, le président Santos renvoie la balle aux FARC : “Notre victoire est aussi un message aux FARC : notre peuple veut la paix… Éloignons pour toujours la haine et la violence de notre démocratie…”
La victoire de Santos lui permet de prendre ses distances avec son ancien mentor, Álvaro Uribe. Celui-ci, totalement opposé à des accords de paix, annonce déjà une opposition dure et agressive. De leur côté, les partis de gauche rappellent que, s »ils ont soutenu l’alternative Santos, c’était pour l’option des négociations de paix, mais que son gouvernement étant situé bien à droite, ils restaient dans l’opposition politique. Il n’est donc pas question pour ces partis d’entrer dans le futur gouvernement. Le président devra quand même faire des gestes vers ceux qui lui ont fait gagner les élections.
La voie est donc ouverte à la poursuite des discussions de paix entre le gouvernement colombien et les FARC à La Havane, devant mener aux accords qui mettront fin à la guerre. Trois des six accords ont déjà été signés. Les deux Parties vont, en août, entamer les discussions sur un des points très sensibles : la reconnaissance des victimes, leur droit à la vérité, à la justice, aux réparations.
Pour le président Santos, “Cette paix ne sera pas une paix avec impunité. Ce sera une paix juste…” Mais certainement très complexe à mettre en œuvre : ni les FARC, ni l’armée ni les paramilitaires n’accepteront d’aller en prison pour les crimes de guerre commis pendant le conflit. Or la Cour pénale internationale de La Haye a menacé de lancer des procédures si l’État colombien ne le faisait pas.
Les élections passées, le temps n’est plus un facteur déterminant. Le président Santos commencera son deuxième mandat de quatre ans le 7 août prochain. La pression pour la paix sera forte tant sur le gouvernement que sur les FARC. Les deux Parties semblent vraiment déterminées à mener les négociations à bon terme et en terminer avec la guerre. Un signe de bon augure : l’ELN, l’autre groupe de guérilla armée, a demandé au gouvernement d’entrer en négociation pour “une paix juste et durable.” À part l’ancien président Uribe, tout le monde semble vouloir faire de véritables efforts pour que les négociations aboutissent. Après 50 ans de guerre civile, la paix enfin possible ?
Jac FORTON