Le Bonheur est facile, de Edney Silvestre

Edney Silvestre est né en 1950 dans une famille modeste de l’État de Rio de Janeiro. D’abord traducteur, puis scénariste et producteur, il se consacre finalement au journalisme. Correspondant de O Globo à New York en 1991, correspondant international de la chaîne de télévision Globo en 1997, il couvre des événements de la plus haute importance tels les attentats du 11 septembre. Par ailleurs son programme d’interviews Milênio le fait connaître du grand public. En 2009, il publie un premier roman, Si je ferme les yeux qui remporte les prestigieux Prêmio Jabuto et Prêmio São Paulo de Literatura. Avec Le Bonheur est facile, Edney Silvestre nous livre un polar trépidant sur fond d’argent, de pouvoir et de violence.

Alors que la Guerre du Golfe inonde les médias du monde entier, un enfant est enlevé en pleine ville, dans une rue de São Paulo : un petit garçon très blond, très pâle qu’un garde du corps ramène de l’école à bord de la luxueuse Mercedes de son patron. Il ne faut pas plus de quarante-deux secondes pour que le garde du corps soit tué, l’enfant kidnappé. Les ravisseurs, organisés en commando d’une efficacité terrifiante, sont des nostalgiques de la dictature militaire, anciens agents de Pinochet. Leur but : rançonner le publicitaire Olavo Bettencourt, milliardaire lié au nouveau régime dont la fortune provient en partie de fonds publics détournés lors de la récente campagne présidentielle. Mais l’enfant est en réalité le fils des domestiques.

Les différents acteurs du drame, instigateurs ou victimes, apparaissent alternativement. Ainsi se dessinent deux facettes du banditisme incarnées par Olavo Bettencourt, richissime sans scrupules au comportement abject envers son épouse et le groupe des ravisseurs, bande de malfrats liés à un dictateur déchu. Trois figures féminines apportent un peu d’humanité dans cet univers de rapaces : Irène, la mère du petit garçon kidnappé, émouvante de souffrance silencieuse et de dignité, Barbara, adolescente en plein désarroi qui n’envisage d’autre avenir que l’exil, et Mara, enfant des favelas devenue escort-girl, qui s’est laissé épouser par le très fortuné Olavo. En échange d’une existence opulente et fastueuse, elle a jusque là supporté le cynisme, la lubricité et le mépris de son mari. Mais le temps est venu de se délivrer d’une soumission humiliante… Elle prend le petit garçon en pitié. Aura-t-elle la force de lutter contre la toute-puissance du milliardaire ?

L’auteur adopte une écriture tendue et percutante. Les chapitres sont courts. Les faits sont présentés selon une chronologie originale sur laquelle joue l’écrivain pour varier les points de vue. Le lecteur est entraîné dans une spirale s’enroulant autour de l’événement clé qui ouvre le roman : le rapt. Peu à peu, s’assemblent les pièces du puzzle, le suspense est maintenu avec brio.

En ces temps de Coupe du Monde de football, ce roman nous plonge dans l’histoire récente d’une jeune démocratie. Le Brésil, fric et crack, buildings et favelas, a encore du mal à vaincre ses démons.

Mireille BOSTBARGE

Edney Silvestre : Le Bonheur est facile, traduit du portugais (Brésil)
par Hubert Tézenas,éd. Belfond, 191 p., 17 €.