Aujourd’hui, mercredi 16 avril 2014, sort Melaza, un film cubain de Carlos Lechuga. Cette production d’une heure vingt nous plonge dans un Cuba plutôt moderne, où le sucre n’est plus l’industrie principale. Famille, amour, pauvreté et fêtes rythment le film, nous offrant une tragédie “sous les tropiques” où l’amour tente de survivre dans une réalité difficile.
Durant de longues années, le sucre a été l’essence de Cuba. Les usines sucrières faisaient vivre des villages entiers. Melaza est l’un de ces villages, son nom (mélasse) en témoigne. Aujourd’hui à Melaza, on ne travaille plus la canne. L’usine ne tourne plus, la production de sucre est suspendue, les employés sont au chômage. Aldo et Monica vivent dans une très petite maison avec Marla, 8 ans, et la grand-mère de 80 ans qui se déplace en fauteuil roulant.
Aldo est instituteur et donne des cours de natation dans une piscine vide. Monica est la dernière employée de l’usine, elle surveille et entretient les machines au cas où la fabrique reprendrait.
Ce que le couple gagne ne leur suffit pas pour vivre, c’est pourquoi ils louent leur maison quelques heures à des couples qui ont besoin d’un lieu pour leurs rencontres amoureuses. Une nuit, la police du village les verbalise pour avoir loué la maison sans autorisation officielle. Ils devront chercher d’autres moyens de gagner de l’argent pour payer l’amende…
“Ce qui m’a intéressé en faisant Melaza ”, déclare le réalisateur Carlos Lechuga “était d’approcher au plus près la réalité cubaine que je voyais tous les jours. La raconter de manière naturaliste, sincère, sans excès, de manière humaniste. Je voulais recréer une histoire d’amour en temps de crise, suivre un couple qui, pour survivre, allait devoir sacrifier son intégrité. Pour rester uni, il devrait chercher des solutions qui allaient en fait les éloigner l’un de l’autre. Je voulais raconter lentement cette histoire, avec un regard neutre, en donnant les informations par fragments, pour que le spectateur n’ait pas le temps de juger mes personnages mais qu’il vive au coude à coude avec eux, comme si la main de Dieu l’avait déposé à Melaza. C’est une invitation à partager l’expérience cubaine dans sa banalité. Alors que nous allions terminer le film, j’ai compris que je racontais une histoire d’amour et que cela donnait au récit un goût d’espoir, un goût qui comme celui de la mélasse cache aussi de l’amertume. L’amertume d’une tragédie qui a lieu sous les tropiques, sous un soleil brûlant, dans les paysages verdoyants des champs de cannes à sucre avec deux amoureux qui avancent, main dans la main, vers une réalité qui ne fait qu’empirer.”
Melaza est donc un film qui prend son temps. Il se déroule à la campagne et n’est pas très bavard. Il s’agit d’une fable puisque ce village n’existe pas, mais comme partout à Cuba, on ne peut vivre de son salaire. Quelques-uns savent s’en sortir très bien, mais la plupart attendent, ne peuvent pas acheter grand-chose au magasin, et n’ont que les fêtes officielles pour vivre ensemble. Ils n’ont pas vécu la Révolution, et les perspectives sont très sombres.
Il s’agit d’une production indépendante, le premier film d’un jeune réalisateur de 30 ans, formé à l’Institut Supérieur d’Art de Cuba et à l’École Internationale de cinéma, comme scénariste. Son interprète Yuliet Cruz est très connue sur l’ile, et partage sa carrière entre théâtre, cinéma et télévision. A 26 ans, Armando Miguel Gómez est l’un des acteurs cubains les plus prometteurs de sa génération.
Voilà l’un des films cubains les plus intéressants de ces dernières années !
Sortie nationale le 16 avril.
Alain LIATARD