Le narrateur nous plonge dans Jérusalem et un quartier ultra-orthodoxe, il nous entraîne aussi dans le passé familial et un autre voyage en Pologne, et se pose les questions religieuses, fondamentales et universelles sans réponse fournie, qui interpellent le lecteur.
Le narrateur et son frère, guatémaltèques et juifs, attendent leurs bagages à l’aéroport de Tel Aviv, ils se rendent, contraints et forcés, au mariage de leur sœur cadette devenue dévote orthodoxe.
À part sa rencontre fortuite avec Tamara, une hôtesse de l’air qu’il avait connue des années auparavant dans un bar d’Antigua Guatemala, tout lui déplaît, l’hôtel, les propos racistes et intolérants d’un chauffeur de taxi contre les Arabes, l’atmosphère du Mur des Lamentations, sa sœur, son fiancé et leurs amis ultra-orthodoxes et bornés. Des souvenirs reviennent, ses grands-parents, aux trois quarts arabes, chassés d’Europe enfants, son grand père juif polonais incarcéré à Auschwitz, la mort à Guatemala de ce grand père et le rabbin racontant son périple à Tikal à côté du cadavre et de sa veuve éplorée ; revient aussi son voyage en Pologne sur les traces de ce grand père qui lui a confié à la fin de sa vie, griffonnée sur un petit papier, son adresse exacte à Varsovie lors de son arrestation.
Tamara vient le chercher à l’hôtel et l’emmène jusqu’à la mer Morte. Et sur le sable, couvert de sel, notre narrateur parle de l’identité, de récits de juifs qui ont sauvé leur vie en reniant leur religion, en se déguisant, jusqu’à ce petit garçon de cinq ans, travesti en petite fille et passant la guerre dans un monastère de sœurs catholiques, ayant perdu et sa religion et sa virilité. Lui-même cherche sa vérité et sa réelle identité.
Les propos sont graves, parfois désabusés et amers, ils posent des questions fondamentales sur notre humanité, notre identité et notre patrimoine. Certains souvenirs sont eux très émouvants, les petites scènes critiques de la société israélienne, sans être outrées, dérangent par leur réalisme documentaire et leur vérité. De plus le narrateur pratique sur lui-même l’autodérision et ponctue son récit de remarques drôles et assez terribles sur ses déboires matériels. Pour conclure, voilà un roman court mais très profond, très agréable à lire et très intéressant.
Christian ROINAT
Eduardo Halfon : Monastère, traduit de l’espagnol (Guatemala) par Albert Bensoussan, édition Quai Voltaire, La Table Ronde, 2014, 153 pages, 16 euros.