Un titre mystérieux, qui illustre bien l’atmosphère un peu brumeuse d’un récit aux multiples facettes, mais finalement dépouillé, aussi simple, au premier degré, qu’un conte pour enfants. Un titre qui aura son explication à la dernière ligne du roman.
Dans son roman précédent, Yuri Herrera avait choisi une ambiance faussement médiévale pour parler du monde des trafiquants de drogue, au nord du Mexique et donner un recul presque poétique à un véritable thriller moderne. Il veut cette fois parler de frontière(s) et pour cela il choisit de parodier, en quelque sorte, le conte initiatique, auquel il mêle les légendes indiennes. Signes qui précéderont la fin du monde est un récit initiatique sans nul doute, mais aussi un conte philosophique et un roman social qui empiète parfois sur le fantastique.
L’histoire, la “grande”, est là, on devine la guerre contre l’Irak et les rapports toujours problématiques entre le Mexique et les États-Unis. On la sent affleurer au second plan, derrière l’histoire personnelle de Makina, envoyée par sa mère à la recherche de son frère parti pour l’autre côté de la frontière. En neuf chapitres, Makina vit neuf étapes, neuf sortes d’épreuves dont certaines, comme la traversée des montagnes d’obsidienne, ressemblent au passage dans la mythologie aztèque entre le monde des vivants et celui des morts, et d’autres font irrésistiblement penser à l’actualité la plus prosaïque, comme la traversée du Río Grande sur des pneus de camions. Et, bien sûr, l’ultime étape sera la résolution de toutes les épreuves vécues depuis la première ligne.
Yuri Herrera utilise une langue décalée, d’une forme épurée, peu descriptive, qui peut décontenancer au début, mais qui donne une atmosphère étrange et surtout une force extraordinaire à un déplacement qui sans elle pourrait être banal.
Christian ROINAT