Le film brésilien « Les bruits de Recife » de Kleber Mendonça Filho

À Recife, sur la côte brésilienne, les habitants d’un quartier prospère de Setúbal suivent le cours d’une vie calme, entre légers désagréments et insouciance. Bia déploie des stratagèmes pour faire taire le chien du voisin, João se réveille dans les bras de son amante de la veille, tandis que Francisco, qui règne en patriarche mystérieux sur le voisinage, reçoit la visite d’une société de sécurité privée qui souhaite s’implanter dans leur rue. Peu à peu des rapports de force, passés et présents, se dessinent, parfois inscrits dans l’architecture même de la ville.

Le film représentera le Brésil aux Oscars dans quelques jours. Voici un film particulièrement intéressant. Le film mêle réminiscence du passé et ville moderne avec ses tours et ses personnages qui vivent dans leur bulle de peur. Lorsque quelqu’un marche à pied dans la rue, c’est un étranger et c’est l’émoi. Ajoutons qu’il est rare que l’architecture joue un rôle aussi important dans une fiction.

Le réalisateur en parle très bien : « Recife, dans l’État du Pernambuco, est la cinquième ville du Brésil. Elle connaît les problèmes récurrents de n’importe quelle grande agglomération d’Amérique Latine. Setúbal est la partie la plus jeune et la plus calme du quartier de Boa Viagem, là où le mètre carré est le plus cher et où poussent des tours de toutes tailles et de toutes formes. Setúbal est resté familial et villageois. Il est convoité par les promoteurs à un moment où le boom économique a créé une forte demande et où il devient impossible de construire une seule pièce dans tout Boa Viagem. Setúbal est le décor des Bruits de Recife.

La majeure partie du film vient de mes observations de la vie de tous les jours, juste au coin de ma rue, de ma fenêtre ou du toit de mon voisin. Les tensions particulières qui font dysfonctionner la société brésilienne transparaissent dans le poids et l’apparence d’une architecture chaotique et éclectique. La filmer à la fois comme une alliée et une ennemie était déjà la démarche de mes films courts, particulièrement dans Electrodoméstica (2005). L’éclat tropical du ciment et du béton y avait autant d’importance que les personnages. (…).

Les gens, qui, au quotidien, vivent dans cet environnement sont au cœur du film. Nos personnages, soumis à des tensions internes et externes, évoluent dans une géographie apparemment contemporaine mais dont les fondements ne le sont pas. Leur paysage social reste fait de seigneurs et de serviteurs. Les relations de classe n’affectent pas uniquement les domestiques en ce qu’ils ont un accès restreint aux biens des maîtres (voitures, maisons, appartements) mais aussi ces derniers qui vivent dans la paranoïa, avec une peur paralysante de la violence urbaine. Mais si la mauvaise architecture est une nuisance, elle est extrêmement photogénique.

J’ai une idée sur la classe moyenne brésilienne qui est la suivante : ses pieds ne touchent jamais le sol. Ses membres sont toujours ou chez eux, ou dans la voiture avec la clim’, à leur travail avec la clim’. Ils voient en permanence la ville de haut, à travers une vitre. Ils ne marchent pas dans la ville. Les enfants qui jouent au foot dans la rue, c’est un peu une tentative d’avoir une relation concrète avec la ville. Sauf qu’elle échoue. Comme dans la scène où le même garçon envoie le ballon de l’autre côté d’une barrière, et qu’il demande à la jeune fille qui le regarde depuis son balcon de lui renvoyer. I l y a toujours des obstacles. Quand le ballon explose, la famille ne s’en rend même pas compte. Elle vit dans une bulle. La maison est une bulle, la voiture est une bulle, le travail est une bulle. Les personnages sont toujours protégés par des systèmes de sécurité. »

Ajoutons que c’est le son qui est le conducteur du danger. Ce son est hors-champ, c’est-à-dire en dehors de ce que l’on voit. Mais le bruit amène aussi la fureur comme dans les meilleurs films fantastiques. Allez découvrir ce film ! En salle à partir du mercredi 26 février.

Alain LIATARD

BO et fiche tecnique

ON CARTOON à LYON

Pour la sixième année consécutive, Lyon deviendra pendant trois jours la capitale européenne du film d’animation : plus de 700 producteurs de longs métrages d’animation, investisseurs et distributeurs de 40 pays, se retrouveront dans le cadre du 16e Cartoon Movie du 5 au 7 mars pour établir des coopérations et lever des financements, permettant ainsi de mener à leur terme de nombreuses productions. Le nombre croissant de projets destinés aux adultes, l’essor des documentaires animés et le passage d’un jeu vidéo sur grand écran font partie des traits marquants de l’édition 2014. La France reste le leader incontesté de l’animation européenne, présentant 22 projets. La production rhônalpine sera fortement représentée avec 7 projets, dont 4 proposés par le studio Folimage, implanté à Bourg-lès-Valence. Le nombre de projets destinés aux jeunes adultes et adultes a doublé depuis l’année passée, ils représentent désormais 30% de la sélection. 4 projets naviguent même aux frontières du documentaire et de l’animation, mêlant images d’archives et dessin animés. Bien sur, les comédies familiales et films d’aventure pour enfants constitueront le reste des projets. Parallèlement au marché professionnel, le grand public pourra voir ou revoir une sélection de dessins animés européens en présence de certains réalisateurs dans le cadre du festival «On cartoon dans le Grand Lyon» du 22 février au 9 mars 2014.

 A. L.