24 – BRÉSIL – La poursuite de la fronde sociale, commencée le 13 juin, est en train de se transformer en crise politique. La contestation des partis, gangrenés par la corruption, et la révolte contre la médiocrité des services publics, indignes d’une puissance émergente, ont d’ores et déjà modifié les perspectives de l’élection présidentielle de 2014. Malgré une popularité assez élevée, la réélection de la présidente Dilma Rousseff n’est plus assurée. À l’intérieur de sa formation, le Parti des Travailleurs (PT, gauche), le courant qui n’a jamais accepté qu’elle soit choisie pour succéder à Luiz Inacio Lula da Silva relève la tête. Les » lulistes » historiques prônent le retour du charismatique ancien président, à la place d’une chef de l’État qui s’est avérée trop gestionnaire, pas assez politique ni diplomate. À force de repousser les réformes, le centre gauche comme l’opposition de centre droit risquent d’enfanter un populisme conservateur qui compromettrait l’avenir du pays. Un sondage de l’institut Datafolha indique que la majorité des manifestants à São Paulo se disent de » gauche « ou du » centre « de l’échiquier politique – 72 % étant » sans parti « . Quelque 30 % d’entre eux souhaitent que le premier président noir de la Cour suprême, Joaquim Barbosa, soit candidat à la présidentielle de 2014. Ce juge s’est rendu populaire en dirigeant le vaste procès pour corruption de l’affaire dite du » mensalao « , portant sur l’achat de votes de députés en 2005, lors du premier mandat du président Lula (2003-2010). La présidente Dilma Rousseff a annoncé, à Brasilia, cinq propositions – allant d’une baisse des taxes dans les transports à de nouveaux investissements dans la santé et l’éducation – afin d’apaiser la colère qui s’est déversée dans les rues depuis près de deux semaines.
25 – BRÉSIL – La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a formulé son intention de proposer une réforme politique du pays. Elle a annoncé que la réforme se ferait par le biais d’un «processus constitutionnel ». Mais comme l’opposition et la magistrature ne voyaient pas la nécessité de convoquer une assemblée constituante avec des pouvoirs illimités pour modifier la constitution de 1988, la présidente a conclu un accord avec les présidents du Sénat et de la Chambre des représentants pour appeler un référendum dont les questions spécifiques seront définies dans les prochains jours. Son objectif était de procéder à une réforme politique majeure soutenue par le vote populaire. Le président de l’Ordre des Avocats du Brésil (OAB), Marcus Vinicius Coelho, a soumis à la présidente une proposition visant à modifier la Loi sur les élections et les partis politiques, sans modifier la Constitution. Son projet comprenait la consultation du peuple par référendum sur des réformes spécifiques, sans la nécessité de convoquer une Assemblée constituante. Après plusieurs heures, le ministre de l’Éducation, Aloizio Mercadante, a admis que serait proposé un référendum, sans convoquer l’Assemblée constituante. La raison de cette hâte est que Dilma Rousseff veut que la réforme politique entre en vigueur avant les élections présidentielles et législatives qui se tiendront en octobre 2014. La loi exige que des mesures soient adoptées un an plus tôt. Le même jour, à Rio de Janeiro, l’intervention des troupes d’élite de la gendarmerie dans une favela se solde par au moins neuf morts; la brutalité meurtrière de la police relance les protestations. D’après les autorités, le nombre de tués s’élève à huit, plus un policier du bataillon d’opérations spéciales (BOPE), cette troupe d’élite vêtue de noir et dont le symbole est une tête de mort. » Plus ou moins « neuf morts, selon la chaîne Globo. Deux seraient » innocents « et deux » non identifiés « , a précisé la police. Entre neuf et treize ont encore avancé les organisations non gouvernementales (ONG) installées sur place.
25 – COSTA RICA – Des milliers d’hommes et de femmes au Costa Rica – écologistes, chauffeurs de taxi, les enseignants, les étudiants, les syndicats des employés publics … – se sont lancés pacifiquement dans les rues et ont bloqué des ponts et des routes dans une protestation énergique contre le gouvernement de la présidente du Costa Rica, Laura Chinchilla et contre des secteurs de la classe politique nationale. Ils voulaient protester contre l’aggravation de la corruption et de la mauvaise gouvernance mais aussi pour une longue liste de revendications socio-économiques, depuis le coût de la vie aux affaires publiques avec des entreprises privées étrangères. Le gouvernement de Laura Chinchilla a répondu ignorer les raisons pour lesquelles ont été appelées ces manifestations de rue organisées dans plus de 25 lieux à travers le pays. Les manifestations se sont passées paisiblement, mais ont provoqué un embouteillage dans différentes parties du pays. Le député José María Villalta, candidat à la présidence du Front élargi de gauche, a déclaré que « le gouvernement a tort de dire que le Costa Rica ne sait pas pourquoi les gens ont manifesté, alors qu’au Brésil, la réaction de la présidente [ Dilma Rousseff] est de convenir avec les manifestants de dialoguer et de proposer des réformes pour permettre une plus grande participation des citoyens. Ici, au Costa Rica on va en arrière pour voir l’autre sens, ce qui est très grave et très préoccupant« .
26 – BRÉSIL – Avant leur rencontre avec la présidente Dilma Rousseff, à Brasilia, les principales centrales syndicales brésiliennes ont annoncé une grève pour le 11 juillet. C’est la première fois que les syndicats convoquent une action depuis le début de la fronde sociale. » Les cinq plus grandes centrales syndicales vont y participer, ainsi que d’autres plus petites, mais ce n’est pas une grève générale, a déclaré Paulo Pereira da Silva, président de Força Sindical. Nous voulons exprimer nos critiques envers la politique économique du gouvernement et manifester contre l’inflation ». La Centrale unique des travailleurs et le Mouvement des paysans sans terre, proches du Parti des travailleurs de Dilma Rousseff, participent à la mobilisation.
26 – CHILI – Comme annoncé début juin, le quatrième jour de la protestation étudiante de l’année a pu compter sur l’appui des travailleurs du cuivre et portuaires qui ont bloqué temporairement l’accès aux mines et des ports au cours de la matinée. Des incidents ont commencé à l’aube dans la capitale chilienne lorsque vingt carrefours ont été bloqués par des barricades et des feux de joie. Les faits se sont produits dans les zones proches des universités publiques et privées, causant le chaos général dans le trafic. Les protestations matinales ont généré une réaction immédiate du ministre de l’Intérieur Andrés Chadwick qui a appelé les organisateurs à contrôler les manifestants cagoulés et à défiler pacifiquement. Toutefois, cela ne s’est pas produit et à partir de 13h00 éclatèrent des dizaines d’actes de vandalisme dans différents points du centre-ville. Les scènes les plus violentes ont eu lieu sur la Plaza Los Heroes dans l’Alameda, l’avenue principale de la ville: saccages d’arrêts de bus, de feux de circulation et pillages de magasins. La fin des combats a eu lieu autour de 18:00 (heure locale) avec un solde de 16 détenus, selon un rapport de la police ainsi qu’une douzaine d’étudiants et policiers blessés. Les organisateurs de la marche ont condamné les actes de vandalisme et ont souligné qu’ils avaient rassemblé plus de 100.000 manifestants. « Avec le soutien des travailleurs portuaires et ceux du cuivre de Chiquicamata et d’El Teniente [sites miniers les plus importants du pays], aujourd’hui il a été confirmé que « les demandes ne sont pas seulement des étudiants, mais de toute la société « a dit Andres Fielbaum, président de la Fédération étudiante de l’Université du Chili (Fech), la plus grande du pays. Le Président Sebastián Piñera a condamné les actes de violence et a également annoncé que dans les prochains jours il enverrait au Congrès « un projet de loi établissant l’identification préventive en cas de désordre public ou marches de masse« .
29 – VENEZUELA – Le président vénézuélien Nicolas Maduro s’est rendu au sommet Petrocaribe, qui s’est tenu à Managua (Nicaragua), avec la ferme intention de renforcer l’influence politique – grâce au pétrole – du Venezuela dans la région et de trouver une solution au problème de la pénurie rencontrée par son pays. Lors de la réunion, Nicolas Maduro et les représentants de 17 autres pays de Petrocaribe a décidé de créer une zone économique spéciale dont l’objectif principal est de « développer la capacité de produire de la nourriture, vaincre la faim« , faire des progrès dans les communications et de lutter contre l’analphabétisme. Le président du Venezuela a déclaré: » Petrocaribe a été une force de stabilisation économique dans notre région, le grand bouclier et la stabilité économique et donc une stabilité sociale de nos pays « , ils ont reçu en provenance du Venezuela 232 millions de barils de pétrole entre 2005 et 2012, à travers des coentreprises financées en partie par le gouvernement vénézuélien, qui sont chargées de la gestion de l’énorme coopération pétrolière. Le Venezuela a créé Petrocaribe, de sa propre initiative en 2005 comme un projet régional qui lui a permis d’accroître son influence dans les Caraïbes à travers l’approvisionnement en pétrole pour les membres de l’organisme avec des systèmes de paiement favorables, notamment des taux d’intérêt très bas et suffisamment de temps pour solder le brut reçu. Petrocaribe comprend le Venezuela, Cuba, le Nicaragua, le Honduras, la Jamaïque, Sainte-Lucie, la République Dominicaine, le Suriname, Saint-Christophe-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua-et-Barbuda, Grenade, Guatemala, Haïti, le Guyana, le Belize, les Bahamas et la Dominique. Avec l’accord conclu à Managua, le président Nicolas Maduro s’attend à consolider ce système commercial garantissant l’approvisionnement de nourriture dans son pays en échange de livraisons de pétrole vénézuélien. Jusqu’à présent, ce type d’échange a permis au Venezuela de recevoir 1,4 million de tonnes de nourriture, a dit Nicolas Maduro.
30 – CHILI – « Aujourd’hui, les Chiliens ont voté une réforme fiscale pour aller de l’avant et reconstruire le pays. Les Chiliens ont voté pour une nouvelle constitution « , a déclaré Michelle Bachelet [photo de la une] dans un discours de 10 minutes marquée par la défense de ses propositions de réforme profonde. Avec 1.559.818 votes, qui représentent 73% des préférences des électeurs de la coalition de centre-gauche, la candidate du parti socialiste a confirmé que c’est la favorite pour remporter l’élection présidentielle du 17 novembre prochain. Avec 13% des voix remportées par l’indépendant et ancien des finances de Michelle Bachelet, Andrés Velasco, arrive en deuxième position devançant le candidat du parti démocrate-chrétien, Claudio Orrego, qui ne recueille que 8,87% des voix. L’ancienne directrice de l’ONU-Femmes, La popularité de Michelle Bachelet (61 ans) sera mesurée dans cinq mois avec le vainqueur des primaires de la droite, l’ancien ministre de l’Economie Pablo Longueira (54 ans), de l’Union démocrate indépendante (UDI), représentant de la droite traditionnelle chilienne qui a gagné par une marge étroite – 51% à 48% – sur l’ancien ministre de la Défense Andres Allamand, du parti du président Sebastián Piñera, Rénovation nationale (RN). Une des questions principales de cette élection est le niveau de participation, avec un système de vote volontaire et l’inscription automatique qui a débuté avec les municipales d’octobre 2012 avec 57% d’abstention. Les estimations les plus optimistes étaient de 10% de votants – sur un électorat composé de 13,3 millions de Chiliens. Le chiffre de participation a été meilleur que prévu par les analystes: plus de trois millions de personnes se sont rendus aux urnes ce dimanche 30 Juin soit 22,6%. L’opposition a montré qu’elle est capable d’attirer davantage d’électeurs que la droite avec une participation de presque le triple de personnes.
30 – BRÉSIL – La Présidente Dilma Rousseff a peut-être été le chef de l’État qui avec plus grande promptitude et de manière plus systématique a répondu aux manifestations de rue dans ce dernier siècle. Et néanmoins, les protestations l’ont punie avec une chute de popularité comme on ne voyait pas au Brésil depuis l’arrivée de la démocratie en 1985. Une recherche réalisée vendredi et samedi avec 4.717 personnes dans 196 villes révèle que son image a plongé de 57 à 30% en seulement trois semaines. 81% des interviewés soutiennent les manifestations et 65% estiment que ces manifestations ont apporté plus de bien que de mal. Mais aucune de ces améliorations n’est attribuée à la gestion de Dilma Rousseff. La présidente, qui a déjà été sifflé trois fois lors de l’ouverture la Coupe des Confédérations, a décidé de ne pas assister au Stade Maracana lors de la finale dimanche entre le Brésil et l’Espagne, remportée par le Brésil par 3 buts à 0 et qui s’est transformée, au bout du compte, en round d’observation entre le mouvement de contestation sociale qui déferle sur le pays depuis plus de 3 semaines et le pouvoir. À peine 5 000 personnes ont défilé aux abords du stade, près du centre de Rio de Janeiro. Quelques heurts ont eu lieu dans la soirée au terme d’un deuxième cortège rassemblant moitié moins de manifestants. D’autres groupes ont manifesté dans la journée à Sao Paulo et Belo Horizonte, bloquant des routes et édifices publics. Les protestations au Brésil au lieu de diminuer se sont transformées un phénomène national.
Guy MANSUY