« Textes retrouvés de Jorge Luis Borges » vient de paraître aux éditions Gallimard

Tous les Textes retrouvés possèdent une étonnante beauté. Dès que je me suis penchée sur eux, j’ai ressenti une puissante intensité, les mots s’allongent, les phrases abordent le terrain des intrigues et des mystères, le monde de Borges est présent comme dans Bulletin de toute une nuit ou La vaine dispute de Boedo et Florida. Et si les sujets sont quelquefois inhabituels et semblent même étrangers à la littérature, Borges les ramène à son monde, si fortement littéraire, et crée un espace qui dépend autant de la réalité que de sa vision des choses. Jorge Luis Borges est un écrivain argentin né le 24 août 1899 à Buenos Aires et mort à Genève le 14 juin 1986. Ses œuvres dans les domaines de l’essai et de la nouvelle sont considérées comme des classiques de la littérature du vingtième siècle. Il est fils de Jorge Guillermo Borges, avocat et professeur de psychologie féru de littérature et de Léonor Acevedo Suárez, à qui son époux a appris l’anglais et qui travaille comme traductrice. La famille de son père était pour la partie espagnole, portugaise et anglaise ; celle de sa mère espagnole est vraisemblablement portugaise aussi. Chez lui, on parle aussi bien l’espagnol que l’anglais, et cela depuis son enfance.

Pendant la première Guerre mondiale, la famille Borges habite durant trois années à Lugano puis à Genève, en Suisse, où le jeune Jorge étudie au Collège de Genève. Après la guerre, la famille emménage de nouveau Barcelone, Majorque puis Séville et enfin Madrid. En Espagne, Borges devient membre d’un mouvement littéraire d’avant-garde ultraïste. Il retourne à Buenos Aires en 1921 et s’engage dans de multiples activités culturelles : il fonde des revues, traduit notamment Kafka et Faulkner, publie des poèmes et des essais. Il est à l’origine de PrismaProa et Martin Fierro, trois revues fondamentales pour la modernité artistique argentine au début du XXe siècle. Principalement connu pour ses nouvelles, il écrit aussi des poèmes et publie une quantité considérable de critiques littéraires. Il est également l’un des auteurs des récits policiers parodiques signés Bustos Domecq, écrits en collaboration avec son ami Adolfo Bioy Casares. Il est l’auteur de chansons sur des musiques d’Astor Piazzolla. En 1938, il obtient un emploi dans une bibliothèque municipale de Buenos Aires. C’est à cette époque qu’il écrit Pierre Ménard, auteur du Quichotte, son premier conte fantastique. Il perd cet emploi en 1946 en raison de ses positions contre la politique péroniste, et devient inspecteur des lapins et volailles sur les marchés publics. En 1955, le gouvernement « révolutionnaire » militaire, qui chasse Juan Perón du pouvoir, nomme Borges directeur de la bibliothèque nationale. Comme son père avant lui, il souffre d’une grave maladie qui entraîne une cécité progressive, laquelle deviendra définitive en 1955. C’est seulement dans les années 1950 que Borges est découvert par la critique internationale. L’écrivain Roger Caillois, qui avait proposé des nouvelles de lui en octobre 1944 à Buenos Aires, dans la revue Lettres françaises (numéro 14), offre Fictions, en 1951, dans la collection « La Croix du Sud », chez Gallimard.

La reconnaissance internationale de Borges commence au début des années 1960. En 1961, il reçoit le prix international des éditeurs, qu’il partage avec Samuel Beckett. Alors que Beckett est bien connu et respecté dans le monde anglophone, Borges est inconnu et non traduit, ce qui ne manque pas de susciter la curiosité des locuteurs anglophones. Borges reçoit de nombreuses distinctions, telles que le prix Cervantes et le prix de la langue-française de l’Académie française en 1979, le prix Balzan en 1980 (pour la philologie, la linguistique et la critique littéraire), le prix mondial Cino-Del-Duca en 1980 et la Légion d’honneur en 1983. Il est même nommé plusieurs fois pour le prix Nobel de littérature mais ne l’obtiendra jamais, pour des raisons inconnues qui ont donné lieu à de nombreuses spéculations. Après la mort de sa mère (en 1975), Borges se met à voyager partout à travers le monde et ce, jusqu’à la fin de sa vie.

Politiquement, Borges se définit volontiers comme un conservateur et, vers la fin de sa vie, a exprimé ouvertement son scepticisme face à la démocratie. Ce scepticisme transparaît dans certains de ses textes. Quand Juan Perón revient d’exil et est réélu président en 1973, Borges renonce à son poste de directeur de la bibliothèque nationale. Opposé à « l’abominable dictature du général Perón», il avait d’abord soutenu la junte militaire au pouvoir.