« J’ai rendez-vous avec un arbre », le documentaire sur le peintre chilien Eudaldo Morales

Arte TV présente dès ce lundi 16 septembre un documentaire sur le peintre chilien Eudaldo Morales arrivé en France en 1949 et mort en 1987.  Le documentariste Benjamin Delattre retrace toute son histoire comme s’il se saisissait d’un message trouvé dans une bouteille à la mer. Il remonte le temps, en partant de traces, de souvenirs, de photos et de témoignages. Sous l’œil de sa caméra, Eudaldo renaît. Les ruines et vestiges livrent leurs secrets, recréant du sens, avec lenteur, respect, loin de tout jugement. Que reste-t-il de la ferveur artistique d’un homme dont le temps a grignoté le souvenir ? 

Photo : ARTE TV

Qui se souvient d’Eudaldo Morales, ce peintre chilien arrivé en France en 1949.   Personne. Au Chili, il fut très connu avant d’être exposé dans toute l’Amérique latine (Buenos Aires, La Paz, Lima…), puis de tomber dans l’oubli. En France, ses voisins ne le connaissaient pas. Il faut dire que l’homme était un « taiseux », une personnalité fugitive dans tous les sens du terme. Le réalisateur Benjamin Delattre a découvert son atelier abandonné, ouvert aux quatre vents, par le biais de sa grand-mère, potière, qui avait accueilli Eudaldo dans sa maison-atelier sur les bords de Loire. Ensemble, la Française et le Chilien vivront une histoire d’amour jusqu’au début des années 1980.

Benjamin Delattre retrace le parcours du peintre chilien Eudaldo, oublié jusque dans son propre pays, après la découverte par hasard des vestiges de son atelier sur les bords de Loire. Un portrait fascinant. Une adresse, au bord de la Loire. Un jardin rendu à la vie sauvage, envahi de ronces et de gaillet gratteron. Presque invisible, une bâtisse de pierre à moitié effondrée et, derrière une porte épaisse recouverte par le lierre, les derniers vestiges de la vie d’un artiste. À côté du four à pain éboulé, des sculptures de terre cuite, des marionnettes de bois, des croquis par dizaines, éparpillés au sol, sous une fine couche de vermoulure. Par hasard, Benjamin Delattre, à l’âge de 20 ans, vient de découvrir l’atelier ligérien du peintre chilien Eudaldo, arrivé en France en 1949 après avoir connu le succès en Amérique latine, et mort dans la misère en 1987. Un « taiseux, pas un taciturne« , selon les mots de la grand-mère du réalisateur, qui a hébergé le peintre désargenté plusieurs années durant. Une « personnalité très fugitive« , selon une vieille coupure de journal. Aucune trace du peintre dans les archives des grands musées et bibliothèques d’Amérique du Sud, mais quelque deux mille toiles, abandonnées depuis quarante ans dans deux conteneurs, sont subitement retrouvées quelque part en France.

Qui était Eudaldo Morales, héritier de l’art précolombien, dont les toiles naïves frôlant le surréalisme rencontrèrent un grand succès dans l’Amérique du Sud des années 1930, jusqu’à ce que sa mécène et amante ne l’entraîne en France, où il côtoiera Picasso, Neruda, Ginés Parra, les peintres de la Nouvelle École de Paris Alfred Manessier et Jean Le Moal, avant de connaître la pauvreté et l’effacement ? L’obsession de douze ans du réalisateur Benjamin Delattre, transmise par cet entrelacs de témoignages d’un temps révolu (coupures de presse jaunies, négatifs de pellicules non développées aux visages flous, ruines hantées par le souvenir d’une présence…), offre un tableau profondément mélancolique en forme d’enquête « modianesque » : une heure dans les rêves de transcendance d’un homme, arrachés à l’oubli. Rongées par le temps, les ambitions d’Eudaldo apparaissent bien dérisoires, au milieu de cette ruine ligérienne, et cruelles, au regard de la femme et des enfants qu’il préféra abandonner pour peindre, peindre encore, ses milliers de toiles que personne ne réclamait. Après les avoir exhumées de l’oubli et des conteneurs où elles dormaient depuis plus de quarante ans, Benjamin Delattre les filme longuement, sans que l’on sache si la fascination qui l’a saisi dans l’atelier décati de l’artiste s’apaisera enfin.

Avant J’ai rendez-vous avec un arbre, Delattre a réalisé le long-métrage Tahiti les jours du retour, une histoire de retour de guerre, et le récit hanté de la disparition dans une forêt d’un couple de tahitiens. Il a réalisé aussi des courts-métrages, La butte, Le fleuve, deux films d’une série de courts dédiés à des crimes de masse. De la guerre au XXe siècle, monté à partir de journaux télévisés couvrant la guerre à Sarajevo. Je clous des clous sur des nuages, réalisé à partir de témoignages d’évaporés japonais, visages souterrains des mégalopoles comme Tokyo. Et enfin Léontios où il est question d’un personnage addict aux écrans.

D’après Télérama