Nicolás Maduro, après plus de dix ans au pouvoir, se présente pour la troisième fois comme candidat à sa succession. Face à un pouvoir à bout de souffle et une économie à l’arrêt, María Corina Machado et le candidat à l’élection présidentielle Edmundo González Urrutia ont fait renaître un espoir exprimé massivement ce jeudi 4 juillet à Caracas.
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L’ «’ingénierie électorale » du président Nicolás Maduro rend la route du pouvoir encore sinueuse pour l’opposition. Le petit bus à étage transportant María Corina Machado et Edmundo González Urrutia a mis plus de quatre heures pour parcourir six kilomètres et fendre une foule massive, colorée, joyeuse et bruyante. Ce jeudi 4 juillet à Caracas, ils étaient nombreux à avoir quitté le travail plus tôt, certains sacrifiant une partie de leur salaire, pour soutenir le ticket de l’opposition qui se présente face au pouvoir de Maduro. « Nous n’avons plus peur et plus rien à perdre. Nous avons retrouvé l’espérance. Nous devons reprendre notre destin en main », s’enthousiasmait Yeledy Escalona, 45 ans, qui a rejoint pour la première fois un mouvement politique. « Cette force ne peut être arrêtée. C’est bien plus qu’une campagne électorale, c’est un sentiment profond pour la liberté du Venezuela, Libertad, libertad ! », a clamé María Corina Machado devant ses supporters qui éclairaient la nuit de la torche de leur smartphone. « Aujourd’hui commencent la renaissance de l’espoir et le chemin du changement pour le Venezuela », a poursuivi son binôme Urrutia, portant le maillot de football de l’équipe nationale de football.
À l’autre bout de la ville, l’héritier d’Hugo Chávez, qui brigue un troisième mandat après onze ans au pouvoir, lançait lui aussi sa campagne présidentielle. « Une nouvelle ère miraculeuse et bénie s’ouvre, et nous allons connaître le Venezuela de la prospérité et du bien-être ! », a-t-il affirmé devant ses partisans. Une partie d’entre eux ont été affrétés par le pouvoir. Une cinquantaine de bus étaient garés à proximité du palais présidentiel, a pu constater Challenges. Des milliers de fonctionnaires du service des impôts, reconnaissables aux t-shirts rouges neufs qu’ils arborent, avaient été mis en congé ce jeudi après-midi et appelés à rejoindre les rangs chavistes. Comme certains du ministère de l’Environnement. L’ambiance est réchauffée par d’imposantes scènes de musique où des groupes chantent à la gloire de Maduro. Ici et là, des aliments et des bouteilles d’eau sont offerts aux participants.
Douze candidats se présentent à ces élections : des chavistes dissidents ou faux-nez du pouvoir, un pasteur évangélique pour la seconde fois, Nicolas Maduro et Edmundo González Urrutia pour l’opposition unifiée (MUD, centre-droit).
La plupart des instituts de sondages donnent l’opposition en tête des intentions de vote avec 50 à 60 %. Les instituts proches du pouvoir donnent Maduro victorieux avec 55 % des voix. « Nous gagnons et nous gagnons bien, mais on ne peut pas se reposer sur nos lauriers. Préparez-vous à la raclée que nous allons leur donner ! », a lancé jeudi Maduro à ses partisans, près du palais présidentiel dans le centre de Caracas. Après avoir succédé à son mentor Hugo Chávez (1999-2013), sent-il le danger et la possibilité d’une défaite ? Ces dernières semaines, il a sillonné lui aussi le pays tout en faisant d’innombrables apparitions à la télévision. Il promet une reprise économique, après une crise sans précédent qui a vu le PIB se contracter de 80 % en dix ans. Sept des trente millions de Vénézuéliens ont quitté le pays, selon les Nations unies. « À chaque sanction, une solution. À chaque agression, plus de révolution ! Aujourd’hui, une nouvelle ère miraculeuse et bénie s’ouvre, et nous allons connaître le Venezuela de la prospérité et du bien-être ! » a-t-il proclamé. Dansant sur scène avec un groupe de musiciens, M. Maduro a clos le meeting en mimant un combat de boxe dans lequel il étalait son adversaire imaginaire…
L’opposition a également vu grand, avec le coup d’envoi à Caracas d’une caravane qui doit sillonner tout le Venezuela dans les prochains jours avec en tête de cortège la leader de l’opposition Maria Corina Machado,saluée par des milliers de partisans, dont beaucoup en blanc. Vainqueure de la primaire mais déclarée inéligible par le pouvoir, elle a déjà parcouru tout le pays en voiture, car les autorités lui interdisent de prendre l’avion. Dans chaque ville, Mme Machado est accueillie comme une véritable « rock star », une foule d’admirateurs se presse pour entendre ses promesses de changement. Elle fait désormais campagne pour Edmundo González Urrutia, 74 ans, un ancien ambassadeur, personnage discret, qui a accepté de la remplacer au pied levé. « Cette force ne peut être arrêtée. C’est bien plus qu’une campagne électorale, c’est un sentiment profond pour la liberté du Venezuela », a déclaré Mara Corina Machado à la presse.
Ces élections se dérouleront sans la présence d’une mission d’observateurs de l’Union européenne, récusée par le pouvoir du fait des sanctions qu’elle continue d’appliquer à l’endroit de plusieurs dignitaires du pouvoir. Les missions d’observation du Brésil et de la Colombie ont été annulées du fait de « difficultés techniques ». Ces deux pays avaient dit leurs ’préoccupations’ face au non-respect par le Conseil National Electoral des processus d’inscriptions des candidats de l’opposition. Les accords de la Barbade conclus en octobre 2023 entre le pouvoir et la MUD prévoyaient l’ouverture des registres aux trois millions de Vénézuéliens non inscrits et un accès des Vénézuéliens en exil sur les listes électorales. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Fait nouveau, Maduro a accepté que les négociations avec les États-Unis se poursuivent en vue d’une normalisation. Le dialogue n’est pas rompu avec tous mais dans ce paysage politiquement brouillé et économiquement catastrophique pour l’immense majorité des Vénézuéliens, l’avenir reste très incertain.
Maurice NAHORY
D’après depêches