Ce dimanche 17 décembre, se tenaient des élections au Chili dans le but d’accepter ou non le nouveau projet de Constitution. Un jour très important que nous raconte ici un jeune étudiant chilien parti voter à Paris pour l’occasion.
Photo : SERVEL
En prenant mon TGV de Lyon à Paris, je n’ai pas pu m’empêcher de penser au grand et complexe voyage du Chili depuis 2019, lorsque le soi-disant « estallido social » a commencé, ce qui a conduit le pays à un premier plébiscite constitutionnel, qui a été approuvé et s’est poursuivi avec la création d’une convention constituante. Une fois le premier texte constitutionnel terminé, le vote de 2022 représentait pour moi la fin de ce processus, une sortie du piège constitutionnel tendu par Jaime Guzmán pendant la dictature.
Cependant, le résultat a été le rejet de ce texte constitutionnel, un résultat auquel je ne m’attendais pas mais qui était possible. Le texte proposé a été qualifié par certains comme “la constitution la plus progressiste du monde » et contenait des articles très novateurs sur les droits de l’homme, la parité hommes-femmes, l’écologie, entre autres. Mais surtout, il s’agissait d’une constitution démocratiquement élue.
Apparemment, le pays n’était pas prêt pour un tel document constitutionnel, une opinion que je ne partage pas mais que je respecte évidemment car c’est ce qui a été décidé démocratiquement, même s’il convient de mentionner qu’il y a eu une grande campagne de terreur de la part de la droite chilienne. C’est pourquoi une nouvelle convention constituante a été formée, cette fois avec seulement 50 % de membres démocratiquement élus. Malheureusement, en tant que Chilien vivant à l’étranger, je n’ai pas pu participer au processus d’élection de cette moitié des membres. Je dis « malheureusement » car c’est en grande partie grâce aux membres constitutionnels élus pour la rédaction de ce deuxième texte qu’un certain secteur politique en a profité pour proposer une constitution encore plus abusive que celle que nous avons aujourd’hui.
J’ai eu beaucoup de mal à croire que je devais me rendre à Paris pour voter contre une nouvelle constitution après tout ce que mon pays a traversé depuis 2019, ou depuis 1973… mais c’est la bonne chose à faire. Pour moi, il a toujours été très important de voter, même en étant à l’étranger, je fais toujours l’effort de me rendre dans la capitale française pour voter. C’est dommage que cette occasion ait été gâchée pour présenter un texte constitutionnel encore pire que celui mis en place par la force pendant la dictature, mais c’est ce qu’ils ont fait et j’estime qu’il est de mon devoir de citoyen chilien d’aller le rejeter.
À l’heure où j’écris ces lignes, le résultat est déjà connu… L’option « En contra » a gagné. Cela me libère de plusieurs doutes mais en soulève beaucoup d’autres : est-ce que c’est fini, est-ce que le processus est terminé ? Le peuple chilien s’est levé massivement pour enfin détrôner le texte de dictature qui régit encore intrinsèquement notre pays. Il y a des gens qui ne savent toujours pas où sont leurs proches, il y a des gens qui vivent encore avec des traumatismes de persécution et de torture, il y a des gens dispersés dans le monde qui ont dû quitter le pays de force, il y a des gens qui ont été maltraités par la police chilienne, il y a des gens dont les droits de l’homme ont été violés et il y a des gens qui ont perdu leurs yeux en luttant pour ce rêve d’échapper à la constitution dictatoriale… J’ai du mal à croire que c’est la fin, et j’espère que dans un avenir pas trop lointain, cela changera.
Ces dernières années, le Chili a été un exemple dans de nombreux domaines, et en étant jeune et vivant à l’étranger, j’aimerais pouvoir parler avec fierté de mon pays, j’aimerais pouvoir raconter l’histoire d’un pays qui a rendu justice à son peuple, d’un pays qui a échappé au piège tendu par un groupe de personnes par la force, d’un pays qui n’oublie pas.
Ignacio ROMERO ORREGO